mercredi 25 septembre 2024

Le panonceau

Je suis devenue enseignante après avoir exercé des années un métier où j'avais des horaires fixes. Ma vie était simple alors : si j'étais au travail, je bossais (exception faite des toilettes et du coin café, et encore) ; si j'étais ailleurs, je ne bossais pas.

Les choses sont très différentes quand on enseigne (en tout cas en France). Les heures de cours sont fixes, mais pour tout le reste (correction, préparation, suivi des élèves...) on peut s'organiser comme on le souhaite.

Bon côté des choses : c'est une sacrée liberté de pouvoir bosser quand ça nous arrange, même à des moments où mon ancien bâtiment de travail serait fermé.

Mauvais côté des choses : ce n'est jamais “l'heure de partir” , il n'y a rien qui nous pousse arrêter de travailler, débrayer pour de bon.

Pendant des années, je me suis épuisée à la tâche, non seulement parce que la tâche était prenante (elle l'est !) mais surtout parce que quelque part dans ma tête, j'étais toujours au travail.

Heureusement, une collègue a fini par voir dans quel état j'étais, et me dire qu'il allait falloir faire preuve de discipline, et définir moi-même des heures où je bossais, et des heures où je ne bossais pas.

J'ai essayé sa méthode (horaires rigides) pendant un an, mais elle ne me convenait pas ; j'étais frustrée de ne pas me mettre au boulot quand j'en avais envie, et frustrée de consacrer au travail des heures où, cette semaine-là, j'avais l'opportunité de faire quelque chose d'autre.

Je me suis donc mise en quête d'autres trucs et astuces pour avoir un meilleur équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle, et voilà ce qui a fonctionné pour moi.

Déjà, j'ai créé un deuxième profil sur mon ordinateur ; je ne mélange plus les documents/activités personnelles et professionnelles. Mon bureau pro n'a pas le même fond d'écran, pas la même disposition, pas les mêmes icônes que celui de mon profil personnel ; ça m'aide à délimiter les périodes de travail.

Ensuite, si je n'observe plus d'horaires stricts (par exemple tous les jeudi de 14h à 17h), je choisis des plages horaires dédiées au travail, et des périodes sanctuarisées.

J'ai mis en place des filtres sur ma boîte mail (oui, on se sert de ma boîte mail perso au boulot... c'est trop tard pour changer ça dans cet établissement) pour que les messages envoyés par des collègues arrivent directement dans un dossier dédié que j'ignore industrieusement pendant mes périodes d'inactivité.

Last but not least, l'élément qui a probablement l'air ridicule mais qui me sauve le cerveau : le panonceau.

J'ai pris un petit bout de carton, ai écrit d'un côté “L'enseignante est là”, de l'autre côté “L'enseignante est sortie”, je le tourne dans le premier sens quand je commence à bosser et dans l'autre dès que j'ai fini.

Ça a l'air de rien. C'est un bout de carton. Pourtant, quand le boulot me tracasse à un moment où je ne bosse pas, penser à ce carton m'aide à arrêter le petit moulin ; on va s'occuper de ça, seulement, pas maintenant.

Photo d'un panonceau en bois sur lequel on lit 'L'enseignante est sortie'.

samedi 24 août 2024

Dormir comme Westley

Je ne vous apprends sans doute rien en vous disant que dans l'hémisphère Nord, où je vis, en août, c'est l'été.

Très longtemps, l'été m'a posé un problème logistique important ; en effet, quand les températures sont supportables, je dors avec la couette sur la tête. Cela procure un petit caisson d'isolation bruit et lumière parfaitement cosy.

Ben oui, mais l'été, avec la couette sur la tête, on étouffe.

Pendant des années, j'ai été d'autant plus emmerdée qu'avec les fenêtres ouvertes, il y a encore plus de bruit et de lumière que d'habitude, et que je me retrouvais donc alternativement à mourir de chaud ou à être dérangée en permanence.

Jusqu'à cette année, où l'évidence a fini par me sauter à la figure : il n'y a qu'à trouver une solution pour boucher les yeux et les oreilles sans réchauffer quoi que ce soit d'autre !

Depuis, je me fourre un Tshirt noir sur le haut de la tronche avant de m'endormir, et c'est marre.

Voilà comment on se retrouve à dormir comme Westley, les trous pour les yeux en moins.

 

On voit un homme blanc en gros plan, il porte un bandeau noir sur la tête et un masque noir autour des yeux. C'est Westley, un personnage de Princess Bride.

jeudi 23 mai 2024

Le passage à niveau

Sur le chemin que je prends pour aller au boulot à vélo, il y a un passage à niveau. Il n'est pas souvent fermé mais quand il l'est, c'est pour un moment ; sur cette voie circulent des trains de marchandise, longs et lents.

Je pourrais passer ailleurs, bien sûr, mais pas sans un détour d'un ou deux kilomètres pour lequel je n'ai clairement pas le courage. Une fois tous les quinze jours en moyenne, la barrière est fermée, les véhicules à deux roues se massent devant, et les gens qui sont dessus attendent.

Attendent, et se sourient.

Je ne vais pas vous vendre un rêve : il y a pas que de la complicité joyeuse dans ces moments, il y a parfois de l'agacement partagé, surtout le matin quand les dix ou quinze minutes d'attente (lilloises, pas marseillaises : j'ai déjà chronométré !) peuvent mettre les gens vraiment en retard. Tout de même, le plaisir de voir qu'on n'est pas seul·e à attendre côté bande cyclable (en quatre ans de vélotaf, je vois le nombre de gens amassés devant le passage fermé augmenter doucement, et cela me contente).

Ce matin, en particulier, les chevaucheureuses de deux-roues divers et variés (trottinettes électriques ou non, vélos de course, VTT, vélos cargo... Styles et couleurs bigarrées !) avaient le sourire en regardant, sur le trottoir à côté de nous, un jeune père faire des aller-retours nerveux avec sa poussette, avec le visage concentré de qui sait que s'il s'arrête plus de cinq secondes, le bébé va se réveiller.

Un bon dix minutes, la barrière s'est ouverte, et nous avons toustes pu repartir en emportant une image de douceur.

mardi 30 avril 2024

Tartinade freestyle

Bon, admettons que l'heure de manger approche et que tu ne saches pas quoi préparer. Pas de bol, c'est ton tour. Si tu as dans tes placards du pain, des pois chiches en boîte et de l'huile, et que tu as de quoi mixer, je peux sauver ton repas.

Alors, tu commences par égoutter les pois chiches, tu les rinces, et tu les balances dans le mixeur. Tu ajoutes de l'huile. Si tu as de l'huile de sésame, c'est très bon, sinon de l'huile d'olive, sinon n'importe quelle huile qui n'a pas un goût trop prononcé (à mon avis, oublie le fond d'huile de noix que tu traînes depuis des mois, garde-le pour ta prochaine salade).

Si tu as du jus de citron, tu en mets une bonne giclée aussi. Et puis tu mixes. Si c'est trop épais, tu rajoutes de l'huile, ou bien du tahin si tu en as, c'est bon le tahin. Tu mixes encore, tu rajoutes des trucs tant que la texture n'est pas bien crémeuse, mais attention, pas trop liquide, sinon ça va détremper tes tartines.

Après, faut assaisonner. Là, chacun·e son goût, perso j'aime bien saler, poivrer et cuminer. Encore un petit coup de mixeur pour bien mélanger.

Si tu as encore un peu d'énergie et des graines (courge, tournesol, peu importe), tu peux en faire griller à la poêle, ce sera encore meilleur.

Tu transfères ta tartinade crémeuse du mixer à un bol-pour-servir, tu mets les graines dans un petit bol si elles existent, tu fais un peu griller le pain, et puis tu dis aux gens avec qui tu manges d'étaler la tartinade sur le pain, et des graines par-dessus s'il y en a et qu'ielles veulent.

Tu reçois des compliments, normalement. Sinon, soit la recette est ratée, soit les gens n'ont aucun goût, ça dépend.

samedi 2 mars 2024

Le long de la corde

Au bout de la corde, il y a ma fille et moi, qui avons passé la semaine à redécorer sa chambre.

Plus haut sur la corde, il y a ma mère et moi, qui avions passé du temps à redécorer ma chambre quand j'étais ado.

Les gestes ne sont pas les mêmes.

Nous avions décollé la tapisserie à la vapeur, nous avons utilisé un dissolvant à colle.

Nous avions un support peint en-dessous, nous avons trouvé du plâtre.

Nous avions retapissé, nous avons sous-couché et peint.

Les personnes ne sont pas les mêmes : je ne suis pas ma mère, ma fille n'est pas moi, on pourrait même dire que je ne suis pas moi-ado.

Pourtant je sens la corde qui me lie à ce point dans le temps vibrer.

Elle me lie à ma mère.

Elle me lie à ma fille.

Elle vibre de l'amour qu'on peut mettre à travailler ensemble.

Plus haut, il y a peut-être ma mère et ma grand-mère, de la couture, du crochet..?

Encore plus haut, je ne sais pas.

Je sais seulement qu'aujourd'hui, je suis heureuse d'être accrochée à cette corde-là.

mardi 27 février 2024

Les histoires, ça ne devrait jamais finir, par Esmé Planchon

Couverture du roman 'Les histoires, ça ne devrait jamais finir'. Sur un fond bleu, on lit le nom de l'autrice en tout petit et le titre du roman en police élancée, avec des dessins d'algues autour.

J'ai cueilli ce roman en médiathèque en cherchant un ouvrage léger pour alterner avec celui, un peu plus lourd, que je venais de commencer ; j'ai trouvé bien plus que prévu.

Le narrateur de l'histoire, Lucien, est lycéen, quand fan d'une série de fantasy intitulée Les Mondes Engloutis. Il écrit des fan fictions dans cet univers, sous le pseudonyme de Zora. Un jour, coup de tonnerre : l'autrice de la série annonce que le tome 4 tant espéré ne paraîtra jamais. Lucien mène l'enquête avec et sous l'impulsion de deux amies rencontrées en ligne. En parallèle, il cherche comment mettre dans sa vie ce qu'il met dans ses fictions...

J'ai trouvé que ce roman explorait très joliment l'amour de toutes les formes d'art et la recherche de soi inhérente à l'adolescence.

Un petit extrait pour vous donner un avant-goût ?

Depuis quelques temps, j'écrivais des textes comme ça, où il ne se passait pas grand-chose, un peu comme des morceaux de poème qui ne rimaient même pas. Juste des occasions de passer un moment dans l'univers de Maria Zumaï. Avant, j'écrivais des textes plus trash, des scènes d'action qui finissaient toujours par une scène où mon héroïne, Zora la bibliothécaire guerrière, cassait tout et défonçait les méchants grâce à ses techniques de combat infaillibles. Des textes en colère. Mais ça m'avait passé et maintenant j'écrivais des textes plus doux. Des textes où Zora regardait ce qui se passait autour d'elle, rêvait, imaginait.

Écrire des fan fictions, je voyais ça comme écrire dans les marges des livres qu'on aime. Ou comme inventer des notes de bas de page bizarres et inutiles.

dimanche 25 février 2024

Je hais les tests de personnalité

Connais-toi toi-même, disait l'autre. Dans ce but, pourquoi ne pas faire des tests qui te diront quel animal, quelle couleur, quelle suite-de-lettres-à-la-con tu es, hein ?

Comment ça, tu ne veux pas ? Remarque, ça ne m'étonne pas, c'est typique des (insérer ici un animal, une couleur, une suite-de-lettres-à-la-con).

Je vais te le dire, moi, pourquoi je ne veux pas. Je ne veux pas parce que je hais les étiquettes, qui réduisent un individu et sa complexité infinie à une petite case sans intérêt. Je ne veux pas parce que c'est souvent à peu près aussi fiable et scientifique que l'astrologie. Je ne veux pas parce que je suis une multitude :

Je suis une walkyrie à vélo sous la pluie.

Je suis une boxeuse devant la console.

J'ai haï le sport, viscéralement, de toutes mes tripes.

Je suis une femme qui a des cheveux gris.

J'ai parfois neuf ans dans ma tête.

J'enseigne le français.

J'adore les maths et l'anglais.

Je suis la prof qui parle au vidéoprojecteur, qui donne des exemples grammaticaux pleins de dragons et de licornes.

Je suis celle qui est le sérieux incarné quand il s'agit de respect mutuel.

Je suis une amoureuse des livres.

J'en ai benné un certain nombre dans une autre vie professionnelle.

Je ne suis pas une couleur, je suis un arc-en-ciel mouvant. Je ne suis pas un animal, je suis la faune en évolution. Je ne suis pas une suite-de-lettres-à-la-con, je suis un roman en cours d'écriture. Si tu ne veux voir de moi qu'une minuscule parcelle immuable, rends-nous service à toustes les deux : ne me regarde pas.

lundi 30 octobre 2023

La fin des coquillettes : un récit de pâtes et d'épées, par Klaire fait Grr

couverture du livre 'La fin des coquillettes : un récit de pâtes et d'épées'. Elle est claire et très sobre : le nom de l'autrice en haut, le titre en-dessous, le dessin d'une coquillette solitaire au centre, et le nom de la maison d'édition, Binge Audio, tout en bas.

Je ne sais pas très bien comment vous parler de cet OPNI, Objet Pâtifère Non Identifié. J'imagine que je peux commencer par présenter l'autrice : Klaire fait Grr est une artiste géniale que j'ai commencé par suivre sur les réseaux sociaux avant de l'écouter en podcast, de lireses newsletters et sa participation à l'excellent Chattologie... Je ne suis pas sûre de connaître toute son œuvre, mais j'aime ce que j'en connais.

Voilà donc que cette féministe talentueuse a écrit ce que je peux probablement qualifier d'essai, encore que, puisqu'elle-même l'appelle récit de pâtes et d'épées.

Au commencement, il y a des coquillettes ratées. Avec un point de départ aussi minable, il faut le talent de Klaire pour invoquer en vrac Marco Polo, la Saint Valentin, les commentaires des produits sur les sites de commerce, la poix, les règles du UNO, des détails sur Lustucru (le personnage) à vous en faire gerber vos torsettes, et finalement, les bicyclettes.

J'ai ri (beaucoup). J'ai ragé (beaucoup aussi, car le monde est plein de racisme et de misogynie). Je n'ai pas regretté ma participation à sa campagne de financement, très loin de là.

Si vous aussi avez envie de passer un moment de virevolte engagée avec Klaire, La fin des coquillettes : un récit de pâtes et d'épées est maintenant disponible en librairie. Je le recommande à absolument tout le monde, en particulier à mes ami·es pastafaristes.

mardi 25 juillet 2023

Le fardeau tranquille des choses - The Book of Form & Emptiness, par Ruth Ozeki

couverture du livre 'The Book of Form and Emptiness'. Sur un fond crème, on voit le nom de l'autrice, Ruth Ozeki, en grosses lettres colorées, qu'on retrouve ensuite à l'envers en bas de la couverture. Au milieu, dans une police plus classique, on lit le titre.

Quand je pense que j'ai failli manquer ma rencontre avec cette pépite, je frémis.

De Ruth Ozeki, j'avais déjà lu et beaucoup aimé En même temps toute la terre et tout le ciel, je n'ai donc pas hésité une seconde en librairie pour acheter ce nouveau roman. Malheureusement, j'ai eu l'idée de commencer ma lecture en classe, pendant le quart d'heure lecture. Erreur stratégique tragique, car ce n'est pas le genre de livre dans lequel on peut rentrer d'un œil pendant qu'on surveille sa classe de l'autre. J'ai tristement mis le précieux ouvrage de côté quelques mois, pour le retrouver en début d'été.

En l'ouvrant pour la deuxième fois, j'ai fait la connaissance de Benny, qui entend les voix des objets autour de lui, de son Livre, de sa mère Annabelle, qui accumule les possessions au point que sa maison déborde, et de la sœur bouddhiste Aikon, qui a écrit un petit livre sur le rangement et le zen. Je les ai suivi·es tout au long de leur histoire, qui est comme un petit univers, et mon cœur a vibré comme rarement en lisant (je suis pourtant une lectrice enthousiaste en général). Avec ces personnages, on pourrait écrire un roman banal et préchi-précha, mais ici, l'autrice ouvre ses pages sur une harmonieuse complexité, qui a un sens et une raison d'exister, avec un style et un souffle magnifiques. Je ne saurais recommander assez la lecture de cette merveille, qui est parue en anglais et a été traduite en français.

Avertissements de contenu : violence, crise psychique, psychiatrie.

jeudi 23 février 2023

La légende de l'homme impassible

Je le savais, pourtant : assister au spectacle de stand-up du sorcier était une erreur.

Il faut dire qu'il était exceptionnellement nul en stand-up. Merveilleux sorcier, vraiment, il savait manipuler la magie comme personne, lancer des sorts d'une précision millimétrique, mais comme comique : nul.

Et moi ? Moi, il faut bien le dire, je perdais toujours au poker. Mon visage reflétait mes pensées et mes sentiments comme l'eau d'un lac reflète les nuages un jour de calme plat.

J'ai essayé de me forcer à rire. Je pense que c'est ça qui l'a fait exploser.

Il m'a hurlé à la figure que pour être délivré, il faudrait que j'assiste à un million de spectacles que j'aimerais sans rien en montrer.

C'était il y a 200 ans.

Je ne m'en tire pas si mal, au fond. Je ne peux pas mourir avant d'avoir atteint le million. D'accord, quand je ne suis pas au spectacle je fais le ménage et la cuisine chez le sorcier, mais ce n'est pas la fin du monde. Je pense pouvoir encore faire durer le plaisir un siècle ou deux. En plus, je me suis drôlement amélioré au poker.

Il y a quelques jours, Sacrip'Anne l'a aperçu au spectacle de Drag Race France. Dans les commentaires, Orpheus a révélé avoir vu quelqu'un comme lui au concert de LilNasX. Si vous aussi avez envie d'écrire son histoire, vous pouvez le faire puis mettre le lien sous le billet de Sacrip'Anne, et taguer #LHommeImpassible sur les réseaux sociaux pour qu'on retrouve votre texte !

lundi 20 février 2023

Les Vous, par Davide Morosinotto

couverture du livre 'Les Vous'. Elle est dans les tons bleus. On voit des sapins, un ponton sur un lac et des personnages qui avancent sur ce ponton. Il y a une ombre qui n'est attachée à aucun personnage.

Il fut un temps où c'était systématiquement moi qui recommandais des livres à mes enfants. Ce temps est révolu, maintenant les conseils de lecture flottent joyeusement dans tous les sens. C'est comme ça que Les Vous de Davide Morosinotto s'est retrouvé entre mes mains.

Bienvenue à Montemorso, un petit village italien dans la montagne, à côté d'un lac et d'un barrage. Un matin, très tôt, un rocher se détache et chute droit dans le lac, causant une mort et une énorme vague. Jusque là, c'est triste, mais pas terriblement intriguant. Si je vous dis qu'ensuite on entend des voix et on voit des empreintes qui ne correspondent à rien de connu, c'est tout de suite plus intéressant.

Les personnages principaux sont quelques adolescents ; à une exception près, les adultes sont plutôt en arrière-plan. On passe d'un point de vue à l'autre, découvrant les événements un peu comme si on accompagnait les jeunes protagonistes. Les personnages ne sont pas très fouillés. Plutôt qu'une étude de caractères, Les Vous est un bon roman d'aventure et de mystère, que j'ai lu rapidement et avec plaisir.

Avertissements divers :

  • Ignorez le texte en quatrième de couverture, il n'a sans doute pas été écrite par quelqu'un qui a lu le roman.
  • Contenu potentiellement choquant : violence physique, morts.

mercredi 15 février 2023

Anna contre le docteur Bip

Je suis plutôt sensible au niveau auditif ; je déteste les bruits forts, et si je veux me concentrer, il vaut mieux que je sois dans une atmosphère calme ou dans un brouhaha relativement constant, et surtout sans paroles que je puisse reconnaître comme telles.

Avec le temps, j’ai tout de même réussi à m’habituer à beaucoup d’éléments que je jugeais insupportables auparavant, un seul demeure un coup de marteau inévitable sur mes nerfs : les bips.

Je hais les bips.

Franchement, durablement, inexorablement, je hais les bips.

Et je mesure rarement à quel point, sur ce sujet, je suis différente de la majorité de mes contemporain·es qu’à la médiathèque.

Laissez-moi vous planter le tableau. Là où je vais emprunter des livres, on n’a plus de bureau de prêt avec des humain·es : tout se passe avec des automates. Il faut mettre sa carte sur la zone prévue, puis poser ses livres un à un sur une autre zone, elle aussi indiquée par un autocollant.

Une fois que la machine a reconnu la carte, elle n’en a plus besoin, ce qu’elle indique par un bip. Puis plusieurs bips. Puis autant de bips qu’il faudra pour qu’on reprenne le sésame.

Personnellement, je ne la laisse même pas biper une fois : dès que l’écran indique que mon compte est ouvert, je retire ma carte.

Malheureusement, un bon nombre de personnes laissent leur carte tout au long de la transaction.

Bip. Bip. Bip. BIP. (Le volume n’augmente pas, c’est mon agacement qui explose).

Certes, certaines de ces personnes sont peut-être malentendantes et n’ont aucune idée de ce qui se passe. Vu le nombre, néanmoins, je doute fortement que ce soit le cas de toutes. Il ne me reste donc qu’à déduire que la plupart des gens supportent très bien qu’on leur bipe dans les oreilles.

Voilà pourquoi j’évite autant que possible les heures de pointe à la médiathèque : les gens, je pourrais faire avec, mais les bips, pas moyen.

mardi 23 août 2022

Écrire des cartes

Je ne rappelle plus quand j’ai commencé : c’est là, c’est tout. J’écris des cartes.

Deux fois par an, tout près du nouvel an et des vacances d’été, je commence par faire une liste. À qui envoyer une carte cette fois-ci ? Les décisions ne se justifient pas, elles se nourrissent de l’état de la relation entre moi et mon/ma destinataire, de ma jauge d’énergie aussi.

Ensuite, je regarde si j’ai déjà des cartes (ça peut être le cas pour la nouvelle année) ou pas (c’est toujours le cas pour l’été). Il est souvent temps d’en choisir, en ayant parfois en tête, pour une carte particulière, le nom de la personne à qui je la destine.

Suit la phase d’écriture. Je varie toujours ce que j’écris, même quand les destinataires ne se connaissent pas. Je ne fais pas de grande littérature, le but étant plutôt de composer quelques mots en rapport avec ce que je vis à cette période, ou des souhaits.

À chaque carte correspondra son enveloppe, adresse soigneusement recopiée depuis le carnet qui m’accompagne depuis plus de dix ans.

Quand on n’est pas chez soi, la chasse aux timbres peut se révéler plus pleine d’embûches que prévu, et les délais postaux assez frustrants. S’armer de patience. Se rappeler que même si les cartes arrivent tard, ce sera une petite joie pour chaque personne qui en reçoit une.

On me dira qu’à l’époque des SMS et des emails, je prends bien du temps pour envoyer des nouvelles assez succintes. Peut-être ; je suis néanmoins persuadée qu’on n’a en général pas le même plaisir à recevoir une carte papier, qu’on pourra stocker, aimanter sur le frigo, relire, qu’à recevoir un texto ou un mail.

Et voilà. J’écris des cartes.

dimanche 3 avril 2022

Et le désert disparaîtra, de Marie Pavlenko

Couverture du roman 'Et le désert disparaîtra' de Marie Palenko

Je ne sais pas si j’aurais lu ce petit roman si on ne me l’avait pas chaudement recommandé, et ça aurait été bien dommage pour moi.

Nous y suivons les traces de Samaa, qui vit dans le désert et dans le futur (pour nous). Elle ne survit, du moins le pense-t-elle, que grâce aux chasseurs de sa tribu qui vont chercher des arbres pour vendre le bois à la ville ; ainsi les membres de son clan peuvent-ils acheter bouteilles d’oxygène et eau gélifiée. C’est une fille courageuse, qui veut elle aussi devenir chasseuse, alors même qu’on lui a bien fait comprendre que ce n’était pas fait pour les femmes.

En lisant ceci, on pourrait croire qu’on va avoir affaire à un roman d’aventures, où Samaa va, après bien des épreuves palpitantes, prouver sa valeur. Ce n’est pas du tout le cas. Sans trop divulgâcher la suite, je peux vous dire qu’il y a beaucoup de passages plutôt contemplatifs, et que ce récit a su déjouer mes attentes pour m’apporter ce que je ne savais pas que je voulais. J’ai pensé à Jean-Marie Le Clézio dans ses meilleurs moments. Le style est excellent, cerise sur un gâteau déjà bien garni. Si ce que vous venez de lire vous a donné envie, il ne vous reste plus qu’à vous ruer en médiathèque ou dans une librairie… Moi, j’y retourne pour trouver d’autres œuvres de la même autrice.

jeudi 23 décembre 2021

Dance me, musique de Leonard Cohen

Leonard Cohen, c’est pas compliqué, je l’ai aimé avant de savoir qu’il existait ; mes oreilles ont été nourries par Graeme Allwright, qui a traduit ses textes et chanté ses chansons en français, magnifiquement, mille grâces lui soient rendues.

J’ai grandi, vieilli, découvert Leonard Cohen en VO, et je suis tombée encore plus amoureuse de sa musique et de ses paroles - douces ou brutales, poétiques toujours. Une petite partie de mon coeur pensait que je le verrais un jour sur scène, même si vu son âge, cela devenait de moins en moins probable.

Puis il est mort, bien sûr.

J’ai donc cru rêver le jour où j’ai ouvert le programme d’une salle de spectacle et que j’ai lu “Dance me”, avec la photo d’un type au chapeau très reconnaissable.

Il ne s’agissait pas, comme je l’ai d’abord cru, de reprises de Cohen, mais d’un spectacle de danse moderne sur ses musiques, par les Ballets Jazz de Montréal.

Je ne vous cache pas que j’ai hésité, parce que je ne connais à peu près rien à la danse. Mais Cohen !

J’ai pris des places.

Je déplore mon manque de vocabulaire pour décrire ce que j’ai vu ce jour-là. Je ne peux que dire le bonheur d’entendre les musiques s’enchaîner et de voir les corps et les lumières y répondre, les magnifier.

Quelques vidéos sont disponibles, pas très représentatives de mon point de vue, je vous laisse chercher si vous êtes tout de même curieux·se. Si ce spectacle passe tout près de chez vous et que vous aimez Leonard Cohen, je vous le conseille chaudement.

lundi 6 décembre 2021

Un moment de grâce

Ce jour-là, je suis avec Clément et Kyllian.

Ils sont tous les deux en troisième, nos rapports sont très différents. J’ai été la prof principale de Clément en cinquième, il m’appréciait beaucoup alors et semble se le rappeler. Kyllian, lui, vient d’arriver dans mon collège, il cherche souvent les limites.

Nous lisons un poème. J’explique la différence entre la litote, qui dit le moins pour dire le plus, et l’euphémisme, qui cherche à adoucir une réalité dure.

Clément me regarde et me dit à quel point il déteste les euphémismes depuis la mort de sa mère un an plus tôt.

Je le regarde aussi, j’accueille ce qu’il me dit, et il commence à raconter, le départ à l’hôpital, la mort, sans possibilité de se revoir. C’est dur pour lui, j’ai l’impression qu’il n’a pas grand-monde à qui en parler. Peu à peu, je le sens se relâcher, soulagé d’être écouté dans sa peine si crue.

Kyllian est toujours là, à côté de nous. Presque toute mon attention passe à écouter Clément, ce qui me semble plus important. Je suis accroupie entre eux, tournée vers Clément, puis je m’assieds sur le sol pour épargner mes hanches. Kyllian se lève, va me chercher un siège, sans que je lui aie rien demandé. Je remarque alors qu’il me regarde avec une intensité nouvelle, comme s’il me voyait pour la première fois.

Quand Clément a fini, Kyllian me raconte aussi, les différences entre son ancien collège et l’actuel, ce qu’il apprécie, ce qui le perd un peu. Je l’écoute.

Je ne vais pas vous vendre un faux miracle : Kyllian n’est pas devenu un élève modèle. Pourtant, les choses ont changé entre nous. J’ai offert de l’empathie à Clément qui en avait tant besoin, elle nous a profité à tous les trois.

lundi 19 avril 2021

Chattologie : un essai menstruel avec des dessins dedans, par Louise Mey et Klaire fait Grr

couverture du livre ChattologieVu le titre, on s'en serait douté, mais au cas où certain·es n'auraient pas compris : le bouquin dont je cause aujourd'hui parle de chatte. Non, pas la femelle du chat, mais bien le sexe, la vulve et le vagin, si vous préférez.

À l'origine de ce génial ouvrage, il y a Louise Mey, qui a écrit une conférence au sujet des règles, et Klaire fait Grr, qui l'a interprétée seule sur scène pendant quelques années. Je n'ai pas vu ce spectacle (et croyez bien que je le regrette), mais je conseille très fort cet essai à un peu près n'importe qui (oui, je ne vais pas me contenter de le recommander aux personnes qui ont une chatte ; de mon point de vue, le savoir populaire sur les bites est adéquat, il serait peut-être temps que les chattes soient mieux connues de tous·tes.)

Or donc, à quoi ressemble Chattologie : un essai menstruel avec des dessins dedans ? Ben, à un essai avec des dessins dedans, pardi.

En le lisant, on se cultive au sujet des règles, de la flore vaginale, du clitoris, de l'hymen, des protections menstruelles diverses et variées, de la gynécologie en général et des maltraitances gynécologiques en particulier... Ne vous attendez donc pas à un petit truc mignonnet, sous prétexte qu'il y a des dessins : les autrices préviennent avant d'aborder les sujet les plus lourds (MERCI pour ça), mais oui, sujets lourds et douloureux il y a.

Néanmoins, en lisant Chattologie..., je me suis aussi beaucoup marrée, parce que c'est un ouvrage qui parvient à aborder des sujets graves avec beaucoup d'humour tout en respectant les personnes concerné·es (d'ailleurs, vous ai-je dit à quel point j'aime d'amour l'inclusivité de ce bouquin, dans lequel chatte ne signifie pas forcément femme ? Non ? Considérez que c'est fait, alors.)

Pour finir, j'affirme que cet excellent opuscule est une œuvre militante, féministe et joyeuse, qu'on peut trouver ou commander chez tous·tes les bon·nes libraires. Vous savez ce qu'il vous reste à faire.

mardi 29 décembre 2020

2020 à vélo

Au début de l’année 2020, j’étais une cycliste enthousiaste, mais seulement à la campagne. C’est là que j’ai grandi, c’est là que j’ai appris à faire du vélo. Par contre, en ville, mes quelques expériences m’avaient laissée terrifiée. J’étais donc cycliste à la campagne (pendant les vacances annuelles, quoi) et piétonne (avec l’aide du métro) en ville.

La pandémie est passée par là, je pense qu’il est inutile que je fasse un dessin à qui que ce soit. Après le premier confinement, quand le collège où je travaille a rouvert ses portes, j’ai pris le métro, une fois, et j’ai failli avoir une crise d’angoisse. Les gens étaient près, trop près, je ne pouvais plus, comme je le faisais avant, plonger la tête dans un livre et ne l’en ressortir qu’à mon arrêt.

J’ai donc fait prendre l’air à mon vélo en ville, avec une belle trouille les premières fois, puis en prenant de l’assurance. J’ai appris à choisir mon itinéraire en fonction de la largeur de la rue et du nombre de tournants à gauche (le moins possible), plutôt que prendre l’option la plus courte. J’ai équipé mon biclou : rétroviseur (qui à mon avis devait être de série sur les vélos de ville), éclairage sur les roues pour être bien visible même dans le noir, sacoches pour le matériel du boulot, autocollants réfléchissants un peu partout.

Vacances d’été non comprises, j’ai été travailler à vélo pendant à peu près six mois.

Étonnement numéro un : l’effet sur ma forme a été fort et rapide. Au bout de trois semaines, le rapport de vitesse qui était celui que j’utilisais par défaut est devenu celui que j’utilisais pour monter le pont, et j’arrivais au travail de moins en moins rouge et essoufflée.

Étonnement numéro deux : avec un bon itinéraire, un rétro et de quoi être très visible, on arrive à se sentir raisonnablement en sécurité sur un vélo dans ma ville (en tout cas plus que dans un métro bondé où un bon tiers des usager·es ont le masque baissé). Les pistes cyclables ne sont pas assez nombreuses et il faudrait vraiment trouver un moyen de décourager les gens qui se garent dedans, même pour deux minutes, parce que les moments où on s’insère dans la file des voitures sont probablement les plus dangereux. La situation n’est pas parfaite, mais elle est tolérable.

Étonnement numéro trois : à part les jours où il gèle (trop dangereux, la peinture des pistes cyclables les rend glissantes comme des miroirs avec le plus léger verglas) je peux faire du vélo dans ma ville par tous les temps, à condition d’être bien équipée. Le pantalon de pluie est indispensable en cas de drache et les gants pas du luxe pour le début du trajet quand il fait frisquet, mais, comme le disent les nageurs en piscine, une fois qu’on est dedans, elle est bonne. L’activité physique réchauffe suffisamment pour que je n’aie même pas besoin d’un gros manteau (un imperméable me suffit).

Le bilan est nettement positif, je n’envisage plus de reprendre le métro de manière quotidienne, même après la pandémie. Cette saleté m’aura au moins apporté un peu de positif.

lundi 19 octobre 2020

Blancs

La semaine est blanche.

Blanche la blouse du kiné qui prend en charge mon grand fils. Pâles ses mots imprécis, beige le squelette qui orne son cabinet.

Blancs les murs de la psy qui s’occupe du plus jeune. Crème les chaises molles de la salle d’attente.

Blanches les boîtes des vaccins prévus pour demain. Blancs aussi les patchs anti-douleur à poser une heure avant.

Blanche enfin ma mine, comme par contagion.

Ce texte est ma participation à un défi d’écriture lancé sur Mastodon, tag EcritHebdo. Cette semaine, il fallait écrire décrire sa journée en couleur. À vous ?

vendredi 18 septembre 2020

Dans ma ville

Dans ma ville il y a :
Autos peu mélodiques
Métro automatique
Bus et vélos (ah, chic !)

Dans ma ville il y a :
Béton gris, briques rouges
Chauffées à l’infrarouge
Quelques arbres qui bougent.

Dans ma ville il y a :
Plusieurs bibliothèques
Cinémas, ludothèques
Et marchands de milkshakes.

Dans ma ville il y a :
Des gens plutôt sympas
D’autres qui râlent, ou pas
Et puis il y a moi.

Ce texte est ma participation à un défi d’écriture lancé sur Mastodon, tag EcritHebdo. Cette semaine, il fallait écrire un poème sur son village ou sa ville. À vous ?

- page 1 de 4