mercredi 27 juillet 2016

Regarder avec les oreilles

On parle toujours de regarder un film ; l’audition joue pourtant un grand rôle dans la perception du cinéma. Nous l’allons montrer tout à l’heure.

Une mère et son fils étaient dans une salle de cinéma, prêts à profiter d’un film des studios Pixar. Comme vous le savez ou pas, les films Pixar sont souvent précédés d’un court-métrage d’animation. La mère, qui, je ne peux vous le cacher plus longtemps, était moi, aimait bien ces courts-métrages en général (son préféré étant For the Birds). Elle attendait le début avec impatience.

Voilà qu’à l’écran apparut un petit piaf en bord de mer, un petit piaf qui n’avait pas très envie d’aller chercher sa nourriture lui-même. Il était mignon, pensa notre personnage principal, mais sans plus. Et puis quelle drôle d’idée d’avoir choisi comme bande-son une chanson américaine franchement plus bruyante que musicale… Sans doute un parti-pris artistique, mais raté, pensa-t-elle. Elle regarda le petit film jusqu’à sa fin, et jugea qu’il n’y avait pas de quoi casser trois pattes à un canard boiteux.

Après le court-métrage, l’écran resta noir une ou deux secondes, puis le grand film commença. Enfin… Côté image. Parce que côté son, c’était toujours de la variété made in USA. M’enfin ! C’est seulement à ce moment-là que les spectateurs ont percuté que de choix artistique bizarre il n’y avait point, juste un souci technique. Quelqu’un est sorti signaler le problème, et dix minutes plus tard on relançait le court-métrage, avec la bonne bande-son cette fois-ci.

Que croyez-vous qu’il arriva ? Quand ses oreilles perçurent le pépiement expressif de l’oisillon, la mère se sentit bien plus impliquée dans son histoire, et finit par classer le court-métrage bien haut dans la liste de ceux qu’elle avait vus. Le fils, lui aussi, préféra largement le deuxième visionnage

Vous me direz que j’enfonce des portes ouvertes ; j’en ai conscience. Le phénomène est bien documenté, j’en avais déjà entendu parler avant cette séance et il y a de bonnes chances pour que ce soit votre cas aussi. Il y a cependant une grande différence entre entendre parler d’un phénomène et l’expérimenter. J’en suis ressortie un peu plus humble, et plus consciente du pouvoir de mes oreilles sur ma perception d’un film.

vendredi 22 juillet 2016

Les enchantements d'Ambremer, de Pierre Pevel : le vieux Paris sous perfusion magique

couverture du livre 'Les enchantements d'Ambremer'

Imaginez Paris au début du vingtième siècle. Ajoutez-y des magiciens, des gnomes, des arbres parlants, tous venus d'un rapprochement avec l'OutreMonde, le monde des fées.

Maintenant, dans ce décor fabuleux, plantez une voleuse aux multiples noms, un magicien ronchonnant, un chat ailé et parlant, et des mystères à gogo.

Si le résultat vous met dans le même état que moi (en gros, hurlant "IL ME FAUT CE ROMAN !") vous êtes mûr pour Les enchantements d'Ambremer de Pierre Pevel, le premier tome du Paris des merveilles.

Que puis-je vous en dire d'autre ? Ma foi, deux ou trois petites choses. L'ambiance du roman se situe quelque part entre Gaston Leroux et Maurice Leblanc, avec une sacrée dose d'humour. J'ai beaucoup aimé le narrateur, qui n’hésite pas à prendre la parole de temps à autre pour convaincre directement son lecteur. Les personnages manquent un peu de profondeur, mais l'intrigue est du genre à vous dérober vos heures de sommeil.

Qu'attendez-vous pour vous ruer dessus ?

lundi 4 juillet 2016

Purity, de Jonathan Franzen : le roman qui était beaucoup de choses à la fois

Couverture du livre 'Purity'

Est-ce que vous avez envie de lire un roman d’apprentissage ? Un roman de quête des origines ? Un roman noir ? Un roman sur l’histoire récente ? Un roman qui cause nouvelles technologies ? Ne cherchez pas plus loin ; Purity est tout ça, et j’en oublie sûrement.

Purity est une jeune femme qui vit à Oakland, de nos jours. Elle a été élevée par une mère seule qui semble un peu étrange. Elle vit dans un squat et aimerait rembourser son prêt étudiant, exorbitant, et savoir qui est son père. C’est le personnage central du roman (vu le titre, vous vous en doutiez).

Jonathan Franzen a divisé son histoire en sept parties assez distinctes, nous offre des aller-retour entre le présent et le passé récent (nommément les années 1980) et entre ses personnages. Il aborde le passé de l’Allemagne de l’Est ainsi que des questions très récentes (les liens entre les lanceurs d’alerte et les journalistes, par exemple). On peut se distancier des opinions qui transparaissent entre ses lignes ; il reste un roman très riche, avec des personnages pour la plupart troubles, une histoire qu’on n’a pas envie de lâcher (je l’ai finie à deux heures du matin).

Cela faisait très longtemps que je n’avais pas lu de roman récent réaliste (je me bourre plutôt de science-fiction et de fantasy), mes derniers essais dans le genre m’avaient parus très nombrilistes et peu intéressants ; je suis contente d’avoir enfin pu en trouver un qui évite ces ornières.

jeudi 23 juin 2016

​Livre clos

Que se passe-t-il quand on referme un livre ? Ô Fille-ma-fille, quelle question parfaite ! C’est le moment le plus intéressant !

Oui, ma Mieux-Aimée, j’en suis sûre. Tu crois que le moment le plus intéressant est celui où tu lis le livre, où tu suis les personnages dans leur histoire. Note bien, c’est un bon moment, un excellent moment, mais ce n’est pas le moment le plus intéressant.

Le moment le plus intéressant est celui où tu refermes le livre et où les personnages continuent leur vie dans ton histoire.

C’est le moment où Mémé Ciredutemps te rappelle fermement que le mal commence quand on traite les gens comme des choses.

C’est le moment où tu vois un ami bougon se transformer en Crafougna, où tu sens l’odeur des cigares des Hommes en gris à côté de ta voisine qui court tout le temps, où tu entends Bartimeus ironiser dans le creux de ton oreille.

C’est le moment où Miles Vorkosigan te suggère un plan tortueux et génial, où Brin-de-Fougère et Rebecca t’inspirent un amour lumineux, où Ford Prefect te suggère de ne pas oublier ta serviette.

C’est le moment où chaque personnage de chaque histoire que tu as lue s’invite dans ta tête, même pour un instant.

Vois-tu, Fille-ma-fille, c’est pour ces moments-là que je continue de lire. Pour la joie de vivre d’autres vies que la mienne pendant que je lis, et pour la richesse qu’elles m’apportent quand le livre est fermé.

J’ai écrit ce texte sur un thème des Impromptus littéraires.

lundi 13 juin 2016

Phrases retournées

Il y a deux semaines je vous proposais de "parler en plus". Voici, pour illustrer cette idée, quelques exemples de phrases négatives retournées en positif. On peut les modifier et les décliner à l'envi !

"Ne cours pas" peut devenir "marche".

"Ne pousse pas Untel" peut devenir "laisse Untel tranquille".

"Ne tape pas" peut devenir "les mains doivent toucher doucement".

"Ne vous disputez pas" peut devenir "trouvez une solution ensemble ou séparez-vous".

"N'éteins pas la lumière" peut devenir "laisse la lumière allumée".

"Ne laisse pas l'eau couler" peut devenir "ferme le robinet".

"Ne touche pas à ça" peut devenir "laisse ça tranquille", ou "lâche ça" selon le contexte. Pour les plus jeunes on peut passer par "mets tes mains dans ton dos", quand ils observent quelque chose de fragile ou de dangereux qu'ils ont très envie de toucher.

"Ne téléphone pas ici" peut devenir "sors si tu souhaites téléphoner".

"Ne jette pas" peut devenir "pose doucement".

"Ne tiens pas ce livre comme ça" peut devenir "regarde, voilà comment on tient un livre, et on tourne les pages au coin" (démonstration à l'appui).

"Ne marche pas au bord du trottoir" peut devenir "marche du côté des maisons".

"N'oublie pas (ceci ou cela)" peut devenir "souviens-toi de (ceci ou cela)".

"Ne crie pas" peut devenir "parle doucement".

À vous ?

jeudi 2 juin 2016

​Parler "en plus"

Il y a des années, j’ai lu un article dans je ne sais plus quel magazine qui conseillait, quand on voulait se souvenir de quelque chose qu’on oubliait souvent, de se parler à soi-même en termes positifs : “souviens-toi” pour remplacer “n’oublie pas”, “laisse ça” plutôt que “n’y touche pas”. L’idée était que le cerveau retient les mots les plus porteurs de sens et n’y applique pas toujours la négation qu’on avait pourtant formulée intérieurement. Cela m’a paru un truc utile, et cela m’a en effet bien servi ensuite, par exemple pour retenir les pièces à éviter la nuit quand je n’étais pas chez moi.

Avance rapide, me voilà mère. J’ai à cœur de respecter mes enfants en tant que personnes, je lis des articles et des livres sur l’éducation bienveillante, et je tombe sur une idée qui me semble familière : quand on parle à ses enfants, il est bien plus efficace et meilleur au long terme de dire ce qu’on veut plutôt que ce qu’on veut éviter.

J’avais déjà un (tout petit) peu d’entraînement, je m’y suis mise ; avec quelques étapes auxquelles je ne m’attendais pas.

Pour commencer : pour transformer en positif ma manière de parler, j’ai dû changer de manière de penser.

Je n’avais jamais remarqué auparavant à quel point je pensais en priorité à ce que je voulais éviter, et très peu souvent aux buts que je voulais atteindre. Je ne veux pas que les enfants sautent sur le canapé, OK, mais que veux-je donc ? Je veux que ceux qui s’asseyent dessus restent assis sur leurs fesses !

Dit comme ça, ça a l’air simple, pourtant j’ai dû déployer beaucoup d’énergie pour passer du très spontané “on ne saute pas sur le canapé (bordel, d’ailleurs je l’ai déjà dit vingt mille fois !)” à “sur le canapé on reste assis”. Ça marche de la même manière pour “ne mets pas de miettes partout” qui devient “mange au-dessus de la table”.

J’ai vite vu la différence ; le message passe mieux comme ça, et pas seulement pour les enfants. Avec les adultes aussi il est bien plus clair de formuler ce que l’on souhaite, et quand on y pense c’est facile à comprendre. Ce n’est pas seulement une histoire de “cerveau qui oublierait la négation” ; parler de quelque chose, même en négatif, tend à focaliser l’attention sur la chose/l’action en question. Allez donc ne pas penser à un rhinocéros rose quand on ne vous parle que de lui !

On peut par la suite passer au degré suivant ; je veux que les gens restent tranquilles quand ils sont sur le canapé, certes, mais pourquoi ? Pour le garder en bon état, pardi. Évident… Pour moi ! Mes interlocuteurs par contre, ne le comprennent pas forcément. Or, je ne sais pas vous, mais moi je préfère largement suivre une instruction quand j’en comprends les raisons.

“Je veux que le canapé reste en bon état ; quand on est dessus, on reste assis.”

Dernière étape pour huiler les rouages autant que possible : offrir une alternative. On veut que la personne reste assise, et on a expliqué pourquoi. Mais que se passe-t-il si ladite personne a envie de se remuer le popotin ?

“Je veux que le canapé reste en bon état ; quand on est dessus, on reste assis, sinon on va jouer ailleurs.”

OK, c’est plus long à dire que “On ne saute pas sur le canapé”. Cela dit on peut abréger quand on a utilisé la version complète plus tôt. Cela permet globalement de vivre dans un climat plus serein ; de plus, expliquer pourquoi et offrir une alternative laisse la porte ouverte à d’autres solutions auxquelles on n’aurait pas pensé soi-même. Enfin, et ce n’est pas le bénéfice le moindre que je trouve à cette méthode, elle permet de se rendre compte que dire “non” revient le plus souvent à dire “oui” à autre chose, de prendre conscience de ce qui compte en positif pour nous. Que demande le peuple ?

lundi 2 mai 2016

Non, de Jeanne Ashbé : une étude de la frustration en milieu marin

Couverture du livre 'Non' de Jeanne Ashbé

Petit poisson rouge a faim... d'un bonbon. Mais grand poisson rouge a dit non, un petit non tout rond. Alors petit poisson rouge aussi dit non. NOOOOOOOOON !

Voilà en substance le début de cet album qui fait du bien aux parents et aux enfants en pleine période du non : celle où les petits ont bien du mal à entendre le "non" des adultes et où ils affirment le leur avec force.

Les dessins et les textes sont tout simples, très compréhensibles à n'importe quel âge. J'aime beaucoup qu'on ne dise pas si les poissons sont mâles ou femelles ; il y a un petit et un grand, c'est tout ce qu'on en sait, et cela suffit pour que la petite et la grande personne qui lisent l'histoire s'identifient autant que possible à ses personnages.

Il suffit de lire Non de Jeanne Ashbé une fois ou deux en mettant bien le ton pour que l'enfant le retienne, dise "non" aux bons moments, et fasse à la fin, en même temps que petit poisson rouge, un gros câlin.

Il est même parfois possible de l'utiliser plus tard pour désamorcer une crise ; dire soi-même "un petit non tout rond", ou aller jusqu'au bout en proposant un gros câlin.

Non ?

vendredi 29 avril 2016

Le cadeau

Quand nous nous promenons main dans la main, mon cœur,

Mon amour, mon petit, ma beauté, ma douceur,

Je reçois de tes yeux le plus beau des cadeaux :

Percevoir l'univers comme un monde nouveau.

Tu vois et tu écoutes, tu cries ta découverte,

Un oiseau ! Une fleur ! Une bestiole verte !

Avec toi je renais à l'émerveillement,

Je n'économise plus mon étonnement,

J'observe la beauté du monde qui m'entoure,

Je hulule et je vis, je rigole et je cours.

Photo d'un enfant, cadré sur le torse, il tient des fleurs dans les mains

Le texte ci-dessus est ma participation au troisième atelier du blog à mille mains. La photo est de Dame Ambre.

jeudi 28 avril 2016

Respirer : une mise en garde

Du temps de ma folle jeunesse, ma respiration abdominale était objet d'admiration. Non que j'aie jamais été une foudre en sport, mais sans y penser je respirais tranquillement, profondément, ce qui était bien utile pour le théâtre ou la chorale.

Ni mes premières années de boulot ni mes grossesses n'avaient réussi à entamer mon souffle autrement que de manière transitoire. J'en étais heureuse quand j'y pensais, autant dire pas souvent.

Jusqu'à ce que, il y a quelques semaines, je me surprenne au boulot, sur une tâche pour laquelle j'ai peu de tendresse, en quasi-apnée.

Étonnée moi-même de ce manque d'air, j'ai tenté de m'oxygéner plus profondément.

Quelques minutes plus tard je me suis aperçu que, à nouveau, je ne respirais pratiquement plus.

Sourcils froncés, un peu inquiète, j'ai recommencé à respirer amplement, en me concentrant cette fois sur mon souffle.

J'ai tenu le coup plus longtemps, mais j'ai senti des muscles qui protestaient sérieusement dans mon abdomen.

Rétrospectivement j'aurais pu me rendre compte qu'il y avait un souci. Depuis quelques mois les exercices d'échauffement à la chorale me détendaient beaucoup plus que d'habitude (pas surprenant que respirer à fond me fasse du bien si je manquais d'air en permanence). Mes épaules étaient très rentrées, et mon humeur maussade (au naturel je suis colérique, pas triste sans raison).

Rassurez-vous, l'histoire finit bien ; il n'y avait aucun problème physique, seulement du stress. À force d'y prêter attention (et avec quelques exercices pour les abdominaux) j'ai retrouvé un souffle correct qui a permis un retour à la normale de tout le reste. J'écris ce billet avec l'idée de vous rappeler à votre propre respiration. Si vous vous rendez compte qu'elle est superficielle, qu'elle implique les épaules et pas le ventre, vous pouvez prendre le temps de respirer profondément, sentir si ça coince et si oui ce qui coince. On vit nettement mieux en profitant à fond de sa capacité pulmonaire.

vendredi 15 avril 2016

La division

Le salon dormait dans la pénombre. Les rideaux tôt tirés laissaient entrevoir la lumière rouge du crépuscule. La femme sur le canapé somnolait elle aussi. Sa journée de travail l'avait laissée dans un état second, nerf épuisés et corps électrisé. D'ordinaire elle trouvait le courage de bouger en entendant la concierge astiquer la barre de l'escalier, mais la concierge avait mis une affiche : elle était à l'opéra.

La torpeur envahissait son esprit, séduisante.

Son corps, lui, avait besoin de défoulement.

L'énergie qu'il dégageait semblait un bourdonnement aux oreilles de la concierge, qui n'était pas du tout à l'opéra. Elle était sorcière, et mettait son affiche à chaque fois qu'elle souhaitait pratiquer la magie en paix. Dérangée par le bruit, elle agita les mains; aussitôt le corps de la femme, laissant l'esprit se reposer sur le canapé, se leva, ouvrit la porte, descendit dans la rue et se mit à courir.

Sa foulée était puissante ; il se sentit revivre, débarrassé de l'esprit qui l'avait trop souvent forcé à l'immobilité.
Après une bonne heure de jogging, il remonta l'escalier, ouvrit la porte de l'appartement, et contempla la brume imprécise de l'esprit au repos.

Le rejoindre, ou le quitter ?

J'ai écrit ce billet sur le thème de la semaine des Impromptus Littéraires.

dimanche 3 avril 2016

Sortir de l'œuf

Je suis entrée dans le métro en même temps qu'une classe de collégiens très excités, qui, je l'ai compris en écoutant le dialogue entre eux et leurs profs, allaient visiter un musée.

Ils riaient, se bousculaient, heureux de sortir de leurs murs, joyeux de sortir de la routine, pour une fois.

Ils étaient nombreux, bien sûr, et le métro cahotait un peu. Ils étaient trop nombreux pour se tenir tous aux barres verticales. Une jeune fille a tendu la main d'un air dubitatif, a réussi à attraper une barre au plafond ; son visage s'est fait radieux, elle a dit à sa copine : regarde, je suis grande ! et comme il manquait aux bras de ladite copine quelques centimètres pour la rejoindre, elle l'a enlacée pour l'empêcher de tomber.

On aurait dit un caneton sortant de son œuf, un oisillon donnant un coup de bec vers le haut, tout surpris de sentir sa coquille casser, et l'air libre, enfin.

J'ai écrit ce texte sur un thème des Impromptus Littéraires.

lundi 28 mars 2016

Les bijoux

​Il y a des matins où les bijoux sont une armure.
Je les choisis soigneusement pour qu'ils me donnent l'air de pouvoir, de savoir, qu'ils me donnent la force d'affronter la journée.

Il y a des matins où les bijoux sont une parure.
Je les choisis soigneusement pour qu'ils aillent avec mes vêtements, qu'ils signifient la joie et l'envie de célébrer la journée.

Il y a des matins où les bijoux sont une blessure.
Je choisis soigneusement de les laisser de côté, je garde seulement mon alliance et le bracelet qui me rappelle qu'Il est là.

lundi 21 mars 2016

Folle de lui, de Helen Fielding : Bridget sur Internet

Couverture de 'Folle de lui' de Helen Fielding

J’ai lu Le journal de Bridget Jones peu après sa sortie en France, parce que je voulais savoir pourquoi on en faisait tout un foin. Je me suis bien amusée, j’ai enchaîné peu après sur le deuxième tome, et j’ai vu les films. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’étais fan - faut pas pousser - mais je trouvais que Helen Fielding avait réussi quelque chose de rare, créer une héroïne très imparfaite et très attachante. Des wagons d’auteurs de chick lit ont essayé de faire pareil, la plupart se sont méchamment cassé les dents.

J’ai beaucoup hésité avant d’ouvrir Folle de lui (attention, toute la suite du billet va dévoiler des éléments des deux premiers tomes et du début du troisième). J’avais entendu que Bridget était veuve et tombait amoureuse d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle. L’idée de ne plus revoir Mark ne me plaisait pas du tout. Pour finir j’ai craqué en voyant le bouquin sur l’étagère des retours de la bibliothèque.

Dégageons les points qui fâchent en premier : la plupart des personnages sont en carton-pâte (les enfants surtout sont très mal écrits) et l’intrigue se renifle à deux cents mètres. Si vous espérez lire des rebondissements crédibles ou un personnage qui évolue, passez votre chemin. On retrouve Bridget comme on l’a laissée, même si elle a quinze ans et deux enfants de plus : un peu fofolle et sans aucune confiance en elle.

Cela dit, et c’est important aussi, Bridget a gardé sa qualité principale : elle est attachante. Elle fait souvent n’importe quoi, elle jacasse sur Twitter, on la voit se planter comme au ralenti, on rit de ses aventures mais on continue d’espérer le meilleur pour elle. Bref, je me suis à nouveau bien amusée en lisant son journal. Ça tombe bien, c’est tout ce que je lui demandais.

jeudi 17 mars 2016

Moby Dick, de Herman Melville : 700 pages d'eau salée, et moi et moi et moi

couverture de 'Moby Dick' de Melville en collection FolioJ'ai lu beaucoup de classiques français du temps de ma folle jeunesse, mais assez peu d'anglais ou d'américains ; ainsi, bien qu'en ayant entendu parler souvent et depuis longtemps, je n'avais pas ouvert Moby Dick de Herman Melville avant la semaine dernière.

Au début du roman, un homme nommé Ishmaël veut prendre la mer pour chasser la déprime(1). Ce n'est pas la première fois qu'il emploie cette solution ; il a déjà voyagé plusieurs fois avec la marine marchande. Cette fois-ci, il décide de partir à la chasse à la baleine. Il rencontre Queequeg, qui vient d'une île lointaine et a probablement déjà mangé de la chair humaine. Les deux hommes se lient d'amitié et s'engagent ensemble sur le baleinier du capitaine Achab.

Achab vient de perdre une jambe, arrachée par un cachalot géant (âmes sensibles, il est encore temps de prendre le large sur un autre navire, celui-là n'est probablement pas fait pour vous). Je ne pense pas surprendre grand-monde, vu la notoriété de l'ouvrage, en vous apprenant que la bestiole tibiophage est surnommée Moby Dick.

Ma lecture m'a bigrement surprise. Je ne m'attendais pas à une telle richesse, une telle modernité de style dans un roman paru en 1851. J'ai parfois ri de bon cœur, et j'ai appris beaucoup de choses sur la manière dont on voyait les baleines au milieu du dix-neuvième siècle (ils n'étaient pas tout à fait dans la mouvance "sauvons les" à l'époque, évidemment, mais j'ignorais à quel point).

Je prévoyais pas mal de racisme ; il y en a, mais moins que je l'imaginais (le personnage principal, Ishmaël, devient très vite le meilleur ami d'un "sauvage", dont il respecte sans discuter la foi très différente de la sienne). Point de vue machisme on ne peut pas vraiment juger, les personnages féminins étant royalement au nombre de deux (une aubergiste et la tante d'un des propriétaires du bateau) qu'on ne voit qu'au début du roman, avant le départ en mer (les femmes n'étaient pas communément admises sur les bateaux autrement que comme passagères en ce temps-là, et un baleinier ne prend pas de passager).

Moby Dick est un livre long, foisonnant, avec lequel il faut prendre son temps si on veut le lire intégralement. Sinon on peut toujours sauter des pages (je confesse que j'ai fait l'impasse sur une description de tuerie de baleines avec leurs baleineaux à peine nés, par exemple). Il y a trop d'éditions pour que je les énumère toutes. Laissez-moi simplement vous conseiller de lire une version intégrale, les abrégées pullulent (je trouve plus agréable le cas échéant d'élire soi-même les coupes en passant des pages que confier ce choix à un autre).

Note

(1) Je cite la première page : "Quand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, quand je me surprends arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu'il est grand temps de prendre le large."

mercredi 9 mars 2016

L'arbre

Photo d'un arbre seul sur une colline verdoyante devant un ciel très bleu

Au milieu de la clairière,
L'arbre dresse sa crinière,
Viennent mistral et fléaux
L'arbre pousse clair et haut.

Au milieu de la clairière,
L'arbre est un peu solitaire,
Le soleil le tient au chaud,
L'arbre chante clair et haut.

Au milieu de la clairière,
L'arbre voudrait une rivière
Pour voir passer les canots,
L'arbre rêve clair et haut.

 

Ceci est ma participation au deuxième atelier du blog à mille mains. La photo est de Dame Ambre.

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