mardi 27 février 2024

Les histoires, ça ne devrait jamais finir, par Esmé Planchon

Couverture du roman 'Les histoires, ça ne devrait jamais finir'. Sur un fond bleu, on lit le nom de l'autrice en tout petit et le titre du roman en police élancée, avec des dessins d'algues autour.

J'ai cueilli ce roman en médiathèque en cherchant un ouvrage léger pour alterner avec celui, un peu plus lourd, que je venais de commencer ; j'ai trouvé bien plus que prévu.

Le narrateur de l'histoire, Lucien, est lycéen, quand fan d'une série de fantasy intitulée Les Mondes Engloutis. Il écrit des fan fictions dans cet univers, sous le pseudonyme de Zora. Un jour, coup de tonnerre : l'autrice de la série annonce que le tome 4 tant espéré ne paraîtra jamais. Lucien mène l'enquête avec et sous l'impulsion de deux amies rencontrées en ligne. En parallèle, il cherche comment mettre dans sa vie ce qu'il met dans ses fictions...

J'ai trouvé que ce roman explorait très joliment l'amour de toutes les formes d'art et la recherche de soi inhérente à l'adolescence.

Un petit extrait pour vous donner un avant-goût ?

Depuis quelques temps, j'écrivais des textes comme ça, où il ne se passait pas grand-chose, un peu comme des morceaux de poème qui ne rimaient même pas. Juste des occasions de passer un moment dans l'univers de Maria Zumaï. Avant, j'écrivais des textes plus trash, des scènes d'action qui finissaient toujours par une scène où mon héroïne, Zora la bibliothécaire guerrière, cassait tout et défonçait les méchants grâce à ses techniques de combat infaillibles. Des textes en colère. Mais ça m'avait passé et maintenant j'écrivais des textes plus doux. Des textes où Zora regardait ce qui se passait autour d'elle, rêvait, imaginait.

Écrire des fan fictions, je voyais ça comme écrire dans les marges des livres qu'on aime. Ou comme inventer des notes de bas de page bizarres et inutiles.

mardi 25 juillet 2023

Le fardeau tranquille des choses - The Book of Form & Emptiness, par Ruth Ozeki

couverture du livre 'The Book of Form and Emptiness'. Sur un fond crème, on voit le nom de l'autrice, Ruth Ozeki, en grosses lettres colorées, qu'on retrouve ensuite à l'envers en bas de la couverture. Au milieu, dans une police plus classique, on lit le titre.

Quand je pense que j'ai failli manquer ma rencontre avec cette pépite, je frémis.

De Ruth Ozeki, j'avais déjà lu et beaucoup aimé En même temps toute la terre et tout le ciel, je n'ai donc pas hésité une seconde en librairie pour acheter ce nouveau roman. Malheureusement, j'ai eu l'idée de commencer ma lecture en classe, pendant le quart d'heure lecture. Erreur stratégique tragique, car ce n'est pas le genre de livre dans lequel on peut rentrer d'un œil pendant qu'on surveille sa classe de l'autre. J'ai tristement mis le précieux ouvrage de côté quelques mois, pour le retrouver en début d'été.

En l'ouvrant pour la deuxième fois, j'ai fait la connaissance de Benny, qui entend les voix des objets autour de lui, de son Livre, de sa mère Annabelle, qui accumule les possessions au point que sa maison déborde, et de la sœur bouddhiste Aikon, qui a écrit un petit livre sur le rangement et le zen. Je les ai suivi·es tout au long de leur histoire, qui est comme un petit univers, et mon cœur a vibré comme rarement en lisant (je suis pourtant une lectrice enthousiaste en général). Avec ces personnages, on pourrait écrire un roman banal et préchi-précha, mais ici, l'autrice ouvre ses pages sur une harmonieuse complexité, qui a un sens et une raison d'exister, avec un style et un souffle magnifiques. Je ne saurais recommander assez la lecture de cette merveille, qui est parue en anglais et a été traduite en français.

Avertissements de contenu : violence, crise psychique, psychiatrie.

lundi 20 février 2023

Les Vous, par Davide Morosinotto

couverture du livre 'Les Vous'. Elle est dans les tons bleus. On voit des sapins, un ponton sur un lac et des personnages qui avancent sur ce ponton. Il y a une ombre qui n'est attachée à aucun personnage.

Il fut un temps où c'était systématiquement moi qui recommandais des livres à mes enfants. Ce temps est révolu, maintenant les conseils de lecture flottent joyeusement dans tous les sens. C'est comme ça que Les Vous de Davide Morosinotto s'est retrouvé entre mes mains.

Bienvenue à Montemorso, un petit village italien dans la montagne, à côté d'un lac et d'un barrage. Un matin, très tôt, un rocher se détache et chute droit dans le lac, causant une mort et une énorme vague. Jusque là, c'est triste, mais pas terriblement intriguant. Si je vous dis qu'ensuite on entend des voix et on voit des empreintes qui ne correspondent à rien de connu, c'est tout de suite plus intéressant.

Les personnages principaux sont quelques adolescents ; à une exception près, les adultes sont plutôt en arrière-plan. On passe d'un point de vue à l'autre, découvrant les événements un peu comme si on accompagnait les jeunes protagonistes. Les personnages ne sont pas très fouillés. Plutôt qu'une étude de caractères, Les Vous est un bon roman d'aventure et de mystère, que j'ai lu rapidement et avec plaisir.

Avertissements divers :

  • Ignorez le texte en quatrième de couverture, il n'a sans doute pas été écrite par quelqu'un qui a lu le roman.
  • Contenu potentiellement choquant : violence physique, morts.

dimanche 3 avril 2022

Et le désert disparaîtra, de Marie Pavlenko

Couverture du roman 'Et le désert disparaîtra' de Marie Palenko

Je ne sais pas si j’aurais lu ce petit roman si on ne me l’avait pas chaudement recommandé, et ça aurait été bien dommage pour moi.

Nous y suivons les traces de Samaa, qui vit dans le désert et dans le futur (pour nous). Elle ne survit, du moins le pense-t-elle, que grâce aux chasseurs de sa tribu qui vont chercher des arbres pour vendre le bois à la ville ; ainsi les membres de son clan peuvent-ils acheter bouteilles d’oxygène et eau gélifiée. C’est une fille courageuse, qui veut elle aussi devenir chasseuse, alors même qu’on lui a bien fait comprendre que ce n’était pas fait pour les femmes.

En lisant ceci, on pourrait croire qu’on va avoir affaire à un roman d’aventures, où Samaa va, après bien des épreuves palpitantes, prouver sa valeur. Ce n’est pas du tout le cas. Sans trop divulgâcher la suite, je peux vous dire qu’il y a beaucoup de passages plutôt contemplatifs, et que ce récit a su déjouer mes attentes pour m’apporter ce que je ne savais pas que je voulais. J’ai pensé à Jean-Marie Le Clézio dans ses meilleurs moments. Le style est excellent, cerise sur un gâteau déjà bien garni. Si ce que vous venez de lire vous a donné envie, il ne vous reste plus qu’à vous ruer en médiathèque ou dans une librairie… Moi, j’y retourne pour trouver d’autres œuvres de la même autrice.

lundi 2 avril 2018

La tristesse des éléphants, de Jodi Picoult : et mon coeur se brisa

couverture du livre 'la tristesse des éléphants'Il y a des années que j’ai noté le nom de Jodi Picoult comme “auteur à essayer”, et pendant des années je n’ai pas donné suite. Jusqu’à la semaine dernière, où j’ai vu cette jolie couverture sur l’étagère des nouveautés de ma médiathèque ; si on y ajoute une maison d’éditions que j’adore (Actes Sud) et le nom de l’auteur que je connaissais, on comprendra que je n’ai pas hésité une seconde avant de le glisser dans mon cabas à roulettes(1).

Quelques jours plus tard j’ai ouvert le livre, souri devant la jolie police de caractères (merci Actes Sud) et commencé à lire.

Moins de 48 heures plus tard j’ai fini le livre, en larmes.

Je ne sais pas comment prendre les choses pour vous faire comprendre pourquoi. Si je vous raconte le début de l’intrigue, une jeune fille qui cherche sa mère, chercheuse sur les éléphants disparue(2) 10 ans plus tôt, vous allez dire que ça ferait un bon mélo, et vous aurez raison. Si j’y ajoute une voyante qui a perdu son don et un ancien flic alcoolique, vous allez hurler au cliché, et je ne pourrai pas vous donner tort. D’ailleurs je ne sais pas si j’aurais lu ce livre si j’avais dû me baser sur la quatrième de couverture.

Pourtant ce roman est tellement plus qu’une énième quête des origines, usée et rebattue. C’est une histoire très forte, sur l’amour et la perte, chez les humains comme chez les éléphants. En allant chercher des avis sur ce livre, j’ai trouvé des avis dithyrambiques comme des personnes qui n’avaient pas réussi à rentrer dans l’histoire, ou qui avaient détesté la fin ; visiblement peu de gens indifférents. Pour ma part je conseille sa lecture avec une toute petite réserve : à éviter si on se sent un peu fragile au moment de la lecture, parce que ça remue profondément.

Notes

(1) oui, je vais à la bibliothèque avec un cabas à roulettes. J’ai une famille qui aime lire et pas envie de me bousiller le dos.

(2) vraiment disparue, on ne sait pas ce qu’elle est devenue ; ce que je peux détester les euphémismes au sujet de la mort qui rendent indispensables des précisions absurdes comme celle-là…

mardi 27 mars 2018

Interférences, de Connie Willis, ou que faire quand on ne peut plus penser tranquille

Couverture du roman 'Interférences' de Connie WillisJ’aime beaucoup Connie Willis pour sa capacité sans faille à traiter des sujets plutôt étiquetés science-fiction (voyage dans le temps, télépathie) en y balançant des personnages en trois dimensions, imparfaits et joyeux. Voilà pourquoi, quand j’ai vu Interférences sur l’étagère des nouvelles acquisitions de ma médiathèque, j’ai bondi dessus avec la grâce de Tigrou.

Tout se passe dans un futur proche. Briddey a une vie survitaminée : un travail dans une boîte de télécommunications où radio couloir fonctionne très (trop) bien, une famille étouffante qui la bombarde de messages et s’inquiète si elle met plus de dix minutes à y répondre. Un jour, elle accepte de subir avec son petit ami, Trent, une opération chirurgicale supposée renforcer leur lien émotionnel. Or, quelques heures après l’opération, elle découvre qu’elle est connectée à quelqu’un d’autre, et ce n’est que le début de ses soucis.

J’ai lu le bouquin en deux jours, avec un grand plaisir, et le sentiment de découvrir quelque chose qui sort du moule. Ce n’est pas un roman de science-fiction classique, ce n’est pas non plus un roman feel-good classique, c’est un hybride qui fonctionne très bien, qui permet d’aborder les questions très actuelles de l’intimité, du caractère choisi ou subi de l’utilisation de nos téléphones portables, de la nature de nos connexions aux autres humains, mais le tout sur un ton de comédie, ce qui est très appréciable (les questions sérieuses sur fond de dystopie étouffante, c’est bien de temps en temps, mais au bout d’un moment ça plombe le moral). Bref, j’en recommande la lecture à tous ceux qui ont envie de se plonger la tête dans une histoire drôle et pas bête.

lundi 18 septembre 2017

Désorientale, de Négar Djavadi

couverture du livre 'desorientale'

Aucune unité de temps, de lieu ou d'action ; j'aime autant vous dire que si ce roman était une pièce de théâtre à l'époque où on les aimait classiques, elle aurait été huée. Fort heureusement, ce n'est pas le cas, et me voici en train de vous parler d'un coup de cœur. 

Kimiâ est née en Iran, et nous la rencontrons dans la salle d'attente de l'hôpital Cochin, service PMA. Elle "profite" du retard pour partager avec nous sa vie, et quand je dis sa vie, n'allez pas croire que nous remontons seulement à sa naissance ; tout commence avec ses arrières-grands-parents... Un récit qu'elle tient de son Oncle Numéro 2. 

Il est question dans ce livre joyeusement désordonné de l'Iran bien sûr, de l'Europe un peu, des hommes, des femmes, de leur engagement politique et de leur vie sexuelle. On virevolte d'une époque à une autre, du tragique au tragi-comique. Le style est excellent, le contenu très intéressant, bref, comme souvent avec les romans que je vous recommande, le vrai problème est d'arriver à le poser momentanément quand la vie tangible nous y appelle... 

lundi 27 février 2017

Les singuliers, de Anne Percin

couverture du roman 'les singuliers' de Anne Percin

Hugo est parti en Bretagne pour peindre. Il est loin d'être le seul ; cet été-là, Pont-Aven pullule d'artistes qui cherchent un nouvel élan, une nouvelle manière d'exercer leur art. Là-bas, il échange des lettres avec Hazel, sa cousine, artiste elle aussi, et son meilleur ami Tobias, qui travaille la noirceur.

Hazel lutte contre les préjugés machistes qui l'empêchent d'atteindre la reconnaissance de son art. Tobias combat une maladie qui le met à terre à chaque occasion. Quant à Hugo, il bataille contre ses doutes.

Je connaissais Anne Percin pour ses romans jeunesse, je la découvre auteur pour adulte, et quel auteur... Les lettres qui constituent ce livre dessinent des portraits singuliers (vu le titre, on se serait douté que c'était le but, il est parfaitement atteint). Loin de certains romans épistolaires où tous les personnages ont la même voix, au point qu'il arrive au lecteur de ne plus savoir qui écrit la missive qu'il est en train de lire, Anne Percin donne à chacun sa manière de s'exprimer et d'être au monde. Je n'ai pas vu passer le temps entre la couverture et la dernière page ; j'en ai raté deux fois ma station de métro. Bref, si vous avez envie de lire un texte plein de souffle, de rage et de beauté, foncez sur Les singuliers.

lundi 16 janvier 2017

La cote 400, de Sophie Divry

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Un lecteur s’est endormi dans une bibliothèque ; on a fermé sans le voir, il a passé la nuit dans la salle de lecture. Au matin il est (très petitement) secouru par une bibliothécaire qui lui offre du café mais refuse de le laisser sortir avant l’heure d’ouverture. Elle se lance dans un monologue désorienté qui part de Melvil Dewey(1) pour arriver à l’amour, en s’offrant des détours par un nombre de sujets assez ahurissant.

La cote 400 compte une petite centaine de pages, que je conseille de lire d’une seule traite, comme cette femme semble parler d’un seul souffle, sans laisser à son interlocuteur le temps de reprendre le sien. C’est un roman drôle, touchant, bizarre, une expérience de lecture assez rare ; je n’en attendais pas moins de Sophie Divry vu ses interventions aux Papous.

C’est Lizly qui m’a offert ce petit bouquin complètement barré ; merci !

Note

(1) l’inventeur de la classification qui porte son nom.

dimanche 8 janvier 2017

L'espace d'un an, de Becky Chambers

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Vous qui fuyez les romans de science-fiction parce que vous n'y voyez que bruit et fureur autour de personnages sans épaisseur, approchez ! Venez plus près, que je vous présente de la science-fiction comme on en voit peu (et c'est bien dommage).

Ashby, un Humain, est capitaine d'un vaisseau tunnelier, le Voyageur, dont le boulot consiste en gros à ouvrir des portails dimensionnels. À son bord se trouve un équipage d'une dizaine de personnes, certains Humains, mais aussi des représentants d'autres races intelligentes, différents de corps et de coutumes. Il y a enfin l'IA du vaisseau, qui a sa propre personnalité.

Ils partent pendant un an pour une mission particulière : créer le premier portail entre les mondes "civilisés" et un nouveau système désireux de les rejoindre.

Becky Chambers, l'auteur de cette merveille de roman, a un talent fou. Elle réussit à la fois à créer des races extraterrestres cohérentes, qui ne sont pas simplement "des humains à écailles" ou "des humains à 6 pattes", à donner à chaque personnage son identité propre, et à les faire évoluer les uns par rapport aux autres dans un cadre quasiment fermé. Son histoire est pleine d'humour et de tendresse, d'amour sous toutes ses formes. Il y a bien un peu de bruit et de fureur, mais les péripéties prennent au fond peu de place, et elles permettent de voir évoluer des personnages denses, quasiment réels, dont on finit par se soucier comme si on les connaissait. Si vous avez aimé la série Firefly, il y a de fortes chances que ce soit votre genre de bouquin.

L'espace d'un an est le premier roman que j'aie lu cette année ; si la suite est à la hauteur, 2017 sera un excellent cru pour la lecture.

dimanche 25 septembre 2016

La passe-miroir, livres 1 et 2, de Christelle Dabos : de l'imagination à revendre

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Il y a plus de six mois que quasiment tous les gens qui me recommandent parfois des livres me parlent de La passe-miroir de Christelle Dabos ; j’ai mis tout ce temps à mettre la main dessus à la bibliothèque, et je ne regrette pas d’avoir continué la chasse, ce roman de fantasy est formidable !

Faites la connaissance d’Ophélie, jeune femme à l’air doux et inoffensif, une liseuse (quelqu’un qui peut découvrir le passé des personnes qui ont touché des objets seulement en les touchant à son tour) et une passe-miroir (quelqu’un qui peut passer d’un miroir à un autre, pourvu qu’elle s’y soit déjà reflétée).

Ophélie vit tranquille dans son bout de monde jusqu’à ce qu’on la fiance de force à un homme qu’elle ne connait pas, qui vient d’une partie du monde bien plus dure que la sienne, le Pôle, et qui l’emmène avec elle passer ses fiançailles dans cet univers inconnu. Thorn - son fiancé - ne lui parle pratiquement pas, et son entourage guère plus. Elle ignore à quoi ressemble le monde qui l’entoure au Pôle et de ce dont ses habitants sont capables.

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Vous en dire plus sur l’intrigue serait vous en dire trop ; j’ajoute mon jugement sur divers éléments du livre.

L’intrigue m’a passionnée au point de me faire rater ma station de métro deux fois de suite.

L’univers est riche, foisonnant, et autant que j’aie pu le voir cohérent.

L’héroïne à elle seule vaudrait le coup d’ouvrir le livre ; elle n’est ni la perfection incarnée, ni le genre qui tape sur les nerfs, ni tellement badass qu’elle en devient caricaturale. Elle est réfléchie, tranquille, mais pas docile.

Je ne peux donc que vous conseiller d’aller vous aussi à la chasse aux Fiancés de l’hiver, et d’enchaîner sur la suite, Les disparus du Clairdelune, tout aussi formidable !

jeudi 4 août 2016

Le vieil homme et la guerre et Les brigades fantômes de John Scalzi : les conflits futurs

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Ce n'est pas tous les jours qu'on tombe sur une série de science-fiction qui possède à la fois un univers original et des personnages intéressants. C'est pourquoi, quand on en trouve, il convient à mon avis de sauter dessus et de tout lire jusqu'à la dernière ligne (selon la disponibilité des livres et du lecteur).

Dans Le vieil homme et la guerre, John Perry a 75 ans et entre dans l'armée. Beaucoup de personnes de son âge font le même choix. S'agissant d'un roman de science-fiction, on peut penser que 75 ans est peut-être la fleur de l'âge dans cet univers ; ce n'est pas du tout le cas, les nouvelles recrues sont justement attirées par les rumeurs décrivant les techniques de rajeunissement révolutionnaires de l'armée. La réalité est encore au-delà de ces rumeurs.

Je ne vous dévoilerai pas les détails ; toujours est-il que John se retrouve avec la capacité de se battre, un ordinateur dans la tête qui lui permet de communiquer avec une intelligence centrale et avec les autres soldats, et qu'il va combattre au sein de l'armée humaine contre des extraterrestres très différents les uns des autres. John Scalzi, l'auteur, utilise son univers pour pousser à la reflexion sur l'identité, la violence et tout le reste ; ce n'est jamais lourd mais toujours intégré à une histoire tout bonnement passionnante.

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Les brigades fantômes se déroule après Le vieil homme et la guerre, on retrouve le même univers et un personnage, mais je pense qu'il peut se lire indépendamment. Le premier chapitre est une extrème réussite et le reste très bon aussi ; cette fois-ci nous suivons le soldat Jared Dirac, dont le corps a été cultivé pour permettre d'implanter les souvenirs de quelqu'un d'autre, un savant qui a trahi l'armée humaine. Là encore, moult pensées sur la notion de choix et l'identité, toujours assez bien intégré à une intrigue formidable pour que ce soit tout sauf rasant. Je vous recommande chaudement ces deux tomes (et je vais me procurer la suite aussi tôt que possible !)

vendredi 29 juillet 2016

Salade de fantasy

Sur une idée de Sacrip'Anne, voici quelques titres de fantasy qui m'ont emballée. On y va ?

Couverture du livre 'Le fléau de Chalion'

Commençons par une série classique, le cycle de Chalion, de Lois McMaster Bujold. Au début du premier tome, Le fléau de Chalion, nous suivons un homme brisé. Cazaril, ancien officier de l'armée de Chalion, a été vendu comme esclave, a passé deux ans aux galères, a été libéré par miracle et a pour projet de mendier une place de marmiton auprès d'une grande dame pour qui il fût page autrefois. Un retournement de situation lui permet d'aspirer à un poste plus élevé chez cette dame ; il devient secrétaire de la princesse, mais cette position le place au cœur d'un nœud d'intrigue et de magie qui semble assez inextricable.

Lois McMaster Bujold développe pour Chalion un monde original. La théologie notamment est complexe mais exposée simplement, il n'y a pas de tunnel d'explications. L'auteur nous offre aussi des personnages crédibles et pour certains attachants. Je le recommande à tous les amateurs du genre, en prenant toutefois la précaution d'avoir du temps devant soi... Sans quoi cette lecture risque fort d'amputer vos nuits d'une partie pourtant appréciable de vos heures de sommeil ! L'histoire est terminée à la fin du premier tome, mais on retrouve le même univers et certains personnages dans Le paladin des âmes, qui est peut-être encore plus réussi. Enfin, c'est dans le même univers que se déroule La chasse sacrée, que je vous conseillerais plutôt de laisser de côté.

Couverture du roman 'Le soldat chamane'

Robin Hobb est très connue pour sa saga L'assassin royal, qui est passionnante encore que parfois inégale. On connait moins Le soldat chamane. La série est racontée à la première personne par Nevare Burvelle, second fils d'un noble et destiné à devenir soldat (dans ce monde, chaque premier fils de noble doit prendre la suite de son père, le deuxième fils devient soldat, le troisième prêtre). Ils vivent dans un pays appelé Gernia, qui vient de conquérir un territoire important en faisant la guerre à des "sauvages", en tuant leur magie avec du fer. Le père de Nevare était lui-même soldat, anobli par le roi de de Gernia pour bons et loyaux services. Il apporte donc un soin particulier à l'éducation de son deuxième fils, souhaitant qu'il devienne un bon soldat, préparé à l'armée et à la guerre, car la conquête continue. Il décide un jour de confier Nevare à un de ces "sauvages", Dewara, pour qu'il apprenne qui est son ennemi. Nevare vit avec lui quelques jours étranges, et finit par atterrir dans un monde qui ressemble à celui des rêves, mais dans lequel ses actions ont des conséquences bien réelles. Nevare manque d'y mourir, et y laisse quelques plumes. Il tente d'oublier cette aventure quand il arrive à l'académie militaire, mais elle le poursuit dans ses rêves. Il commence à se poser des questions que les autres ne se posent pas, à se demander si leur conquête est vraiment légitime, à voir la beauté de la nature détruite par les villes gernianes, à voir aussi la magie du peuple des plaines.

Le deuxième tome est parfois longuet, mais à part ce défaut Robin Hobb réussit à créer un univers intéressant et original, et y semer une intrigue prenante.

Couverture du roman 'Le nom du vent'

Les gros lecteurs de fantasy en ont sans doute déjà entendu parler, mais je ne résiste pas à l'envie de mentionner la Chronique du tueur de rois de Patrick Rothfuss. Au début du premier tome, Le nom du vent, Kvothe se dissimule sous un faux nom et tient une auberge dans un endroit reculé. Fort heureusement pour nous, un scribe le retrouve et lui tire son histoire du nez. Kvothe vivait tranquillement une existence de saltimbanque avec des parents aimants quand un évènement violent a tout changé. Après des années difficiles, il part étudier la science des arcanes (que nous appellerions probablement magie) dans une université. Il veut apprendre, entre autres, le nom du vent.

Le point fort de la série, au-delà de la richesse de l'univers, est la complexité du personnage principal. Les personnages secondaires sont parfois un peu simples, mais Kvothe a suffisamment de facettes pour qu'on ne comprenne pas tout de suite ce qu'il va faire ou dire. Il n'est pas pour autant incohérent, et surtout, il n'est pas toujours gentil. Attention, le deuxième tome a des longueurs (c'est un défaut courant des milieu de trilogie, non ?) et le cycle n'est pas encore fini ; Patrick Rothfuss doit encore écrire le troisième volet, et il n'est pas connu pour sa rapidité.

Couverture du roman 'La voie des rois'

Autre série qui n'est pas encore finie, mais qui vaut pourtant la peine d'être lue : Les archives de Roshar de Brandon Sanderson. Dans le premier tome, nous suivons à la trace Kaladin, un soldat déchu, Shallan, une jeune fille qui cherche pour de multiples raisons la protection d'une érudite, Jasnah, et Dalinar, un chevalier vieillissant qui reçoit des visions.

La série comptera au moins cinq tomes. Les deux premiers sont vraiment prenants, avec un monde cohérent, des personnages tout sauf unidimensionnels. Je ne peux pas vous résumer l'intrigue, beaucoup trop riche ; il ne faudrait pas en conclure qu'on s'y perd, je trouve au contraire que Brandon Sanderson déploie son talent habituel pour nous faire entrer dans un univers et son système de magie sans se perdre en exposition barbante, et ne nous égare pas d'un personnage à l'autre. Notable enfin, les femmes de l'histoire sont aussi intéressantes et différentes les unes des autres que les hommes.

Couverture du roman 'Fils des brumes'

Brandon Sanderson est aussi l'auteur de Fils-des-brumes, trilogie qui, elle, est terminée. On y plonge dans un monde sinistre, où des chutes de cendres et des brouillards étranges rendent impossible la vie des paysans, les skaa. C'est un empire gouverné par un supposé dieu, un homme immortel possédant des pouvoirs immenses. Voilà le monde dans lequel Vin, gamine des rues et orpheline, essaye de survivre, jusqu'à ce qu'elle rencontre Kelsier, un type à l'air plus grand que nature, qui est bien décidé à renverser le tyran avec l'aide de son équipe de bandits.

En voilà des prémices qu'elles ne sont pas gaies, pas vrai ? Pourtant la série n'est pas aussi lugubre qu'on pourrait le croire. Il y a des moments tristes, mais aussi des gais, dans cette aventure de fantasy comme on aimerait en voir plus. Le monde et son système de magie sont complexes, pourtant on ne s'ennuie pas quand l'auteur nous les présente, puisqu'il a l'intelligence de mêler l'exposition à l'action. Il a si bien construit son histoire qu'on retrouve jusque dans le troisième tome l'explication d'éléments qu'on aurait pu croire insignifiants dans le premier.

Couverture du roman 'La belle aux bleus d'argent'

Pour ceux qui aiment le mélange des genres, la série de Glen Cook Garrett détective privé a tout pour plaire : l'action se situe dans un univers de fantasy (nains, trolls, elfes...) et le personnage principal est un détective privé qui tient plus de Nestor Burma (un de mes privés hard boiled préféré) que de Bilbo le Hobbit.

Dans le premier tome, La belle aux bleus d'argent, Garrett est engagé par le père d'un de ses anciens amis. Celui-ci vient de mourir en laissant une fortune à une femme que le père n'a jamais vue, une femme qui habite dans le Cantard. Dans cette région on se livre à une guerre acharnée pour le contrôle de l'argent, minerai utile à la magie. Le père souhaite retrouver cette femme, il veut rencontrer celle qui a réussi à charmer son fils à ce point. Garrett n'est pas enchanté par cette mission, mais il se rend compte qu'il connait déjà cette femme, il finit par accepter l'enquête.

Il y a dans ce bouquin tout ce qui manque d'après moi à La compagnie noire, une autre grande série de Glen Cook ; du punch, une intrigue vraiment intéressante. Il a aussi des éléments bien à lui, comme ce soupçon d'humour bien noir.

Couverture du roman 'Les héros meurent aussi'

Un autre mélange des genres, cette fois-ci science-fiction et fantasy, qui donne un de mes romans préférés : Les Héros meurent aussi de Matthew Woodring Stover. Dans un futur où un système de caste règne sur la planète entière, Caine est un Acteur. On le paye pour aller dans un autre monde où règne la magie et pour risquer sa vie de manière intéressante en portant un implant qui permet aux riches de son propre monde de vivre les mêmes expériences que lui, danger en moins. Son ex-épouse est Actrice elle aussi. Elle disparait dans l'autre monde, et on envoie Caine à sa rescousse. Ce serait un drôle de roman si ça se passait sans accroc ni répercussion sur leur propre monde, non ?

Les deux mondes sont bien développés, l'intrigue est palpitante, et le personnage de Caine fascinant. Il existe une suite qui n'a malheureusement jamais été traduite, mais Les héros meurent aussi se lit très bien seul.

Couverture du roman 'Coeur d'encre'

Je termine sur une série jeunesse et fantasy, Cœur d'Encre de Cornelia Funke. Au début du premier tome, on fait la connaissance de Meggie, qui vit avec son père, Mo. Tous deux adorent les livres, Mo est relieur et Meggie lit tout ce qu'elle peut. Un détail étrange entre ces deux-là : Mo ne lit jamais d'histoires à Meggie. Un jour, un type étrange du nom de Doigt-de-Poussière leur rend visite. Il est à la recherche d'un livre. Bien entendu, cette visite déclenche une série d'événements fantastiques, Meggie découvre pourquoi son père ne lit pas à haute voix et ce qu'est devenue sa mère, disparue il y a longtemps.

Vous raconter ne serait-ce que le début du deuxième tome vous en dirait trop sur la fin du premier, aussi je m'abstiens. Par contre, je peux vous conseiller de ne pas démarrer Cœur d'encre avec peu de temps devant vous, vu qu'il est très dur à laisser pour faire autre chose, et Sang d'encre et Mort d'encre sont pires ! C'est une trilogie très réussie, à la hauteur de L'histoire sans fin de Michaël Ende, c'est dire.

Voilà pour aujourd'hui. J'ai hésité à mentionner le Disque-Monde de Terry Pratchett, série de romans de fantasy dont beaucoup figurent parmi mes livres favoris, mais elle mériterait plus que quelques lignes ; j'y reviendrai donc un autre jour.

vendredi 22 juillet 2016

Les enchantements d'Ambremer, de Pierre Pevel : le vieux Paris sous perfusion magique

couverture du livre 'Les enchantements d'Ambremer'

Imaginez Paris au début du vingtième siècle. Ajoutez-y des magiciens, des gnomes, des arbres parlants, tous venus d'un rapprochement avec l'OutreMonde, le monde des fées.

Maintenant, dans ce décor fabuleux, plantez une voleuse aux multiples noms, un magicien ronchonnant, un chat ailé et parlant, et des mystères à gogo.

Si le résultat vous met dans le même état que moi (en gros, hurlant "IL ME FAUT CE ROMAN !") vous êtes mûr pour Les enchantements d'Ambremer de Pierre Pevel, le premier tome du Paris des merveilles.

Que puis-je vous en dire d'autre ? Ma foi, deux ou trois petites choses. L'ambiance du roman se situe quelque part entre Gaston Leroux et Maurice Leblanc, avec une sacrée dose d'humour. J'ai beaucoup aimé le narrateur, qui n’hésite pas à prendre la parole de temps à autre pour convaincre directement son lecteur. Les personnages manquent un peu de profondeur, mais l'intrigue est du genre à vous dérober vos heures de sommeil.

Qu'attendez-vous pour vous ruer dessus ?

lundi 4 juillet 2016

Purity, de Jonathan Franzen : le roman qui était beaucoup de choses à la fois

Couverture du livre 'Purity'

Est-ce que vous avez envie de lire un roman d’apprentissage ? Un roman de quête des origines ? Un roman noir ? Un roman sur l’histoire récente ? Un roman qui cause nouvelles technologies ? Ne cherchez pas plus loin ; Purity est tout ça, et j’en oublie sûrement.

Purity est une jeune femme qui vit à Oakland, de nos jours. Elle a été élevée par une mère seule qui semble un peu étrange. Elle vit dans un squat et aimerait rembourser son prêt étudiant, exorbitant, et savoir qui est son père. C’est le personnage central du roman (vu le titre, vous vous en doutiez).

Jonathan Franzen a divisé son histoire en sept parties assez distinctes, nous offre des aller-retour entre le présent et le passé récent (nommément les années 1980) et entre ses personnages. Il aborde le passé de l’Allemagne de l’Est ainsi que des questions très récentes (les liens entre les lanceurs d’alerte et les journalistes, par exemple). On peut se distancier des opinions qui transparaissent entre ses lignes ; il reste un roman très riche, avec des personnages pour la plupart troubles, une histoire qu’on n’a pas envie de lâcher (je l’ai finie à deux heures du matin).

Cela faisait très longtemps que je n’avais pas lu de roman récent réaliste (je me bourre plutôt de science-fiction et de fantasy), mes derniers essais dans le genre m’avaient parus très nombrilistes et peu intéressants ; je suis contente d’avoir enfin pu en trouver un qui évite ces ornières.

lundi 21 mars 2016

Folle de lui, de Helen Fielding : Bridget sur Internet

Couverture de 'Folle de lui' de Helen Fielding

J’ai lu Le journal de Bridget Jones peu après sa sortie en France, parce que je voulais savoir pourquoi on en faisait tout un foin. Je me suis bien amusée, j’ai enchaîné peu après sur le deuxième tome, et j’ai vu les films. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’étais fan - faut pas pousser - mais je trouvais que Helen Fielding avait réussi quelque chose de rare, créer une héroïne très imparfaite et très attachante. Des wagons d’auteurs de chick lit ont essayé de faire pareil, la plupart se sont méchamment cassé les dents.

J’ai beaucoup hésité avant d’ouvrir Folle de lui (attention, toute la suite du billet va dévoiler des éléments des deux premiers tomes et du début du troisième). J’avais entendu que Bridget était veuve et tombait amoureuse d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle. L’idée de ne plus revoir Mark ne me plaisait pas du tout. Pour finir j’ai craqué en voyant le bouquin sur l’étagère des retours de la bibliothèque.

Dégageons les points qui fâchent en premier : la plupart des personnages sont en carton-pâte (les enfants surtout sont très mal écrits) et l’intrigue se renifle à deux cents mètres. Si vous espérez lire des rebondissements crédibles ou un personnage qui évolue, passez votre chemin. On retrouve Bridget comme on l’a laissée, même si elle a quinze ans et deux enfants de plus : un peu fofolle et sans aucune confiance en elle.

Cela dit, et c’est important aussi, Bridget a gardé sa qualité principale : elle est attachante. Elle fait souvent n’importe quoi, elle jacasse sur Twitter, on la voit se planter comme au ralenti, on rit de ses aventures mais on continue d’espérer le meilleur pour elle. Bref, je me suis à nouveau bien amusée en lisant son journal. Ça tombe bien, c’est tout ce que je lui demandais.

jeudi 17 mars 2016

Moby Dick, de Herman Melville : 700 pages d'eau salée, et moi et moi et moi

couverture de 'Moby Dick' de Melville en collection FolioJ'ai lu beaucoup de classiques français du temps de ma folle jeunesse, mais assez peu d'anglais ou d'américains ; ainsi, bien qu'en ayant entendu parler souvent et depuis longtemps, je n'avais pas ouvert Moby Dick de Herman Melville avant la semaine dernière.

Au début du roman, un homme nommé Ishmaël veut prendre la mer pour chasser la déprime(1). Ce n'est pas la première fois qu'il emploie cette solution ; il a déjà voyagé plusieurs fois avec la marine marchande. Cette fois-ci, il décide de partir à la chasse à la baleine. Il rencontre Queequeg, qui vient d'une île lointaine et a probablement déjà mangé de la chair humaine. Les deux hommes se lient d'amitié et s'engagent ensemble sur le baleinier du capitaine Achab.

Achab vient de perdre une jambe, arrachée par un cachalot géant (âmes sensibles, il est encore temps de prendre le large sur un autre navire, celui-là n'est probablement pas fait pour vous). Je ne pense pas surprendre grand-monde, vu la notoriété de l'ouvrage, en vous apprenant que la bestiole tibiophage est surnommée Moby Dick.

Ma lecture m'a bigrement surprise. Je ne m'attendais pas à une telle richesse, une telle modernité de style dans un roman paru en 1851. J'ai parfois ri de bon cœur, et j'ai appris beaucoup de choses sur la manière dont on voyait les baleines au milieu du dix-neuvième siècle (ils n'étaient pas tout à fait dans la mouvance "sauvons les" à l'époque, évidemment, mais j'ignorais à quel point).

Je prévoyais pas mal de racisme ; il y en a, mais moins que je l'imaginais (le personnage principal, Ishmaël, devient très vite le meilleur ami d'un "sauvage", dont il respecte sans discuter la foi très différente de la sienne). Point de vue machisme on ne peut pas vraiment juger, les personnages féminins étant royalement au nombre de deux (une aubergiste et la tante d'un des propriétaires du bateau) qu'on ne voit qu'au début du roman, avant le départ en mer (les femmes n'étaient pas communément admises sur les bateaux autrement que comme passagères en ce temps-là, et un baleinier ne prend pas de passager).

Moby Dick est un livre long, foisonnant, avec lequel il faut prendre son temps si on veut le lire intégralement. Sinon on peut toujours sauter des pages (je confesse que j'ai fait l'impasse sur une description de tuerie de baleines avec leurs baleineaux à peine nés, par exemple). Il y a trop d'éditions pour que je les énumère toutes. Laissez-moi simplement vous conseiller de lire une version intégrale, les abrégées pullulent (je trouve plus agréable le cas échéant d'élire soi-même les coupes en passant des pages que confier ce choix à un autre).

Note

(1) Je cite la première page : "Quand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, quand je me surprends arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu'il est grand temps de prendre le large."