mercredi 27 décembre 2017

La Promesse de l'aube, de Romain Gary

Est-ce que ça vous dit de suivre un fils sur son chemin chaotique avec sa mère, une femme si portée par ses rêves, si sûre que son fils sera un grand homme, que le garçon est à la fois transporté lui aussi et étouffé par ce volume immense d’attentes sur ses épaules ? De lire le récit de sa vie à lui, un peu romancée bien sûr, avec des pointes d’humour juste là où il faut pour que son histoire ne soit pas complètement désespérée ? 

Braves gens, si c’est le cas, n’allez pas plus loin. Dans La Promesse de l’aube, Romain Gary raconte sa vie dans le désordre. Son enfance en Pologne où sa mère, déjà, rêvait de la France et le voyait déjà diplomate, artiste. Son adolescence à Nice où les choses n’ont pas été pas aussi faciles pour un petit juif de l’Est que sa mère l’avait pensé. Son entrée dans l’armée juste avant la seconde guerre mondiale, ses pérégrinations après la défaite française. Tout est passionnant, tout est bien écrit, c’est un bouquin qui m’a fait manquer ma station de métro et m’endormir bien plus tard que prévu (je ne crois pas qu’on puisse faire de meilleur compliment). 

C’est aussi un livre qui m’a fortement rappelé le personnage de Chabotte dans La Petite marchande de prose de Daniel Pennac (je ne vais pas vous dire pourquoi pour ne pas vous gâcher l’une ou l’autre histoire), je me demande si c’est voulu ou pas (je pense que oui).

Je suis tombée sur La Promesse de l’aube par hasard, sans savoir qu’on l’avait adapté au cinéma. Je ne compte d’ailleurs pas aller voir le film, parce que je ne crois pas que ce genre de livre ait grand-chose à y gagner. Par contre, je vous recommande sa lecture sans réserve, et je compte bien trouver d’autres ouvrages de Romain Gary pour savoir si tout est aussi bon. 

vendredi 1 décembre 2017

Les chaînes pour chaussures, ou À pas de yak

Là où je vis, l’hiver 2012-2013 a été particulièrement neigeux. La neige est tombée souvent, et des températures basses l’ont préservée sur les trottoirs, martelée par des milliers de pieds, verglacée au possible. Pendant les semaines de janvier où il a fait le plus froid, la neige n’a pas été la seule à choir.

C’est après ma troisième chute, alors que j’employais un langage vigoureux au sujet du climat hivernal et des gens qui ne déneigent pas leur trottoir, qu’une bonne âme m’a informée de l’existence d’un machin dont je n’ai pas trouvé le nom officiel (en a-t-il un ?) et que j’ai instantanément décidé d’appeler des chaînes pour chaussures.

photo des chaînes pour chaussures

C’est une structure en plastique souple à adapter sur ses chaussures. En-dessous, deux croix entourées d’une spirale en acier sur laquelle on marche. Je m’en sers à chaque chute de neige depuis début 2013, et voilà ce que j’en pense.

Je les ai testées en ville, sur de la neige fraîche, de la neige verglacée, et sur un verglas peu épais mais très glissant (suite à une pluie verglaçante qui avait transformé les trottoirs en miroirs). À chaque fois, je n’en ai pas cru mes pieds. La spirale en acier mord sans problème dans la glace, et on marche normalement. Pas de chute, pas de douleur aux cuisses ou au dos à force de se tenir comme un pingouin. Le gros avantage de ces engins comparés à des crampons est qu’ils ne s’abîment pas quand on marche sur un trottoir déneigé. On les sent un peu, mais ce n’est pas très gênant.

Ils sont simples à mettre sur ses chaussures. Il faut juste poser le côté avant sur le devant du soulier puis tirer sur l’arrière pour les passer derrière le talon (il en existe plusieurs tailles, chaque taille correspond à plusieurs pointures). Ils s’enlèvent aussi très facilement, et c’est un point important. En effet, ce qui est très pratique sur la glace et peu dérangeant sur le bitume devient casse-gueule sur le carrelage, il faut donc les enlever avant d’entrer dans un bâtiment.

J’ai porté mes bidules sur des bottines et des baskets. Les baskets m’ont semblé plus confortables ; avec une semelle souple, on sent moins la spirale sous ses pieds quand on marche sur terrain dégagé. Évidemment, l’avantage va tout de même aux bottines en cas de grosse couche de neige.

Les chaînes pour chaussures ont trouvé leur place dans mon sac, et ne le quitteront pas tant que je n’aurai pas besoin de les remplacer par des lunettes de soleil. La manœuvre inverse se fera sans doute fin octobre. La marque des miennes est Yaktrax, mais je pense qu’il existe des alternatives. Maintenant, à vous de jouer pour sauver vos coccyx !

lundi 18 septembre 2017

Désorientale, de Négar Djavadi

couverture du livre 'desorientale'

Aucune unité de temps, de lieu ou d'action ; j'aime autant vous dire que si ce roman était une pièce de théâtre à l'époque où on les aimait classiques, elle aurait été huée. Fort heureusement, ce n'est pas le cas, et me voici en train de vous parler d'un coup de cœur. 

Kimiâ est née en Iran, et nous la rencontrons dans la salle d'attente de l'hôpital Cochin, service PMA. Elle "profite" du retard pour partager avec nous sa vie, et quand je dis sa vie, n'allez pas croire que nous remontons seulement à sa naissance ; tout commence avec ses arrières-grands-parents... Un récit qu'elle tient de son Oncle Numéro 2. 

Il est question dans ce livre joyeusement désordonné de l'Iran bien sûr, de l'Europe un peu, des hommes, des femmes, de leur engagement politique et de leur vie sexuelle. On virevolte d'une époque à une autre, du tragique au tragi-comique. Le style est excellent, le contenu très intéressant, bref, comme souvent avec les romans que je vous recommande, le vrai problème est d'arriver à le poser momentanément quand la vie tangible nous y appelle... 

mardi 11 juillet 2017

La pendule

Tout a commencé très doucement. Devant mes yeux sont tombés deux ou trois rouages. Intriguée, je lui ai demandé des explications.

"On ne va pas en faire une pendule."

Au début ils n'étaient pas bien gênants, ces rouages. Puis ils se sont multipliés, et les ressorts sont apparus. Bientôt sur mon bureau il y avait un monceau de pièces en métal, au moindre faux mouvement ils me blessaient. Mon travail devenait difficile. Je suis allée lui en parler, bien sûr.

"On ne va pas en faire une pendule."

Plus tard sont venues les aiguilles. Dures à ignorer. Il disait que j'en faisais trop, que je comprenais mal, qu'il ne s'agissait pas vraiment d'horlogerie. Toujours la même phrase : "On ne va pas en faire une pendule."

Enfin j'ai vu choir en face de moi le cadran, le boitier.

Il y avait, enfin, de quoi en faire une pendule. Aussitôt que je l'ai assemblée, elle a sonné l'heure de tirer ma révérence.

J'ai écrit ce texte sur un thème des Impromptus Littéraires.

dimanche 14 mai 2017

Aller méditer ailleurs

Il y a quelques mois que je me suis lancée dans la pratique méditative, avec l'aide d'une application pour portable très basique qui fait des gongs et des glouglous pendant une durée donnée, et de CDs. Puis, sur les conseils de plusieurs personnes, j'ai installé une nouvelle appli de méditation sur mon téléphone portable. Celle-ci propose quelques méditations guidées gratuites, puis un abonnement pour accéder au reste. J'ai téléchargé les premières méditations gratuites parce que je mets toujours mon portable en mode avion quand je médite.

Dans la semaine qui a suivi, j'ai fait une méditation par jour avec la nouvelle appli. J'ai trouvé la voix agréable et le contenu plutôt bien pensé, j'ai seulement un peu tiqué en constatant que le nom du programme était presque systématiquement cité dans le texte de la méditation. Je suis arrivée au bout des méditations gratuites, et j'ai commencé à peser le pour et le contre de l'abonnement.

J'y réfléchissais encore un soir de cette semaine, quand j'ai refait une des méditations gratuites en oubliant d'enclencher le mode avion.

Le lendemain j'étais bombarbée de mails de l'application, mails enclenchés automatiquement dès que l'information était arrivée que j'avais suivi la première méditation, puis la Xième, puis la dernière gratuite.

Je n'aime pas qu'on récupère mes données. J'aime encore moins qu'on le fasse dans le cadre d'une application payante (ce n'était pas encore le cas, mais je ne me fais aucune illusion ; on n'allait pas arrêter de me pister quand j'aurais commencé à payer). Et trouvez-moi naïve si ça vous chante, mais je m'attendais à mieux côté déontologie de la part d'une application de méditation. Autant vous dire que je vais aller méditer ailleurs, plus spécifiquement avec l'aide de mes bons vieux CDs et de mon appli à glouglous, qui a la décence de me demander mon avis avant d'enregistrer quoi que ce soit.

samedi 22 avril 2017

Avoir un bon toubib

J'ai l'immense chance d'avoir un médecin traitant formidable, et la petite malchance de devoir fréquenter des spécialistes pour mes enfants qui ont des allergies. Je tiens donc à hurler ma joie d'avoir rencontré une allergologue qui a pris le temps de :

  • Parler à mon fils (pas tout à fait 3 ans), lui raconter une petite histoire pour le distraire en regardant bien ses réactions pendant une procédure un peu désagréable (prick test, pour les connaisseurs),
  • Lui filer plein de jouets, de feutres et de tampons pendant qu'on attendait le résultat du test et, au lieu de nous mettre dans la salle d'attente, en profiter pour m'expliquer l'urticaire et l'eczéma comme on ne me les avait jamais expliqués, avec des dessins et des questions,
  • Effacer elle-même les traits de stylo du test sur le bras de mon fils après la lecture,
  • Relire son ordonnance point par point avec moi, en vérifiant que j'avais bien compris dans quel cas utiliser quel médicament.

Un soignant qui traite les enfants comme les personnes qu'ils sont, et qui fait tout ce qu'il faut pour que les parents comprennent le schmilblick, ça fait vraiment du bien, et ça mérite d'être dit et applaudi.

jeudi 30 mars 2017

Perspective en béton (une fantaisie)

Dans ma ville ensoleillée

De gros blocs gris ont germé ;

Ils doivent nous protéger

De voitures forcenées.

Je préfère imaginer

Qu'un gigantesque bébé

De ces cubes s'est lassé

Et les a abandonnés

Au mileu de la cité

Créée par sa sœur aînée.

mercredi 22 mars 2017

Le Bullet Journal à la cool

Comme à peu près la moitié des internautes, j'ai commencé un Bullet Journal il y a un an et demi. Comme une proportion légèrement inférieure de ces internautes, je le tiens toujours avec autant de bonheur ; j'ai trouvé la formule qui correspond à mon besoin d'organisation pour le moment, la bonne balance entre "suffisament léger à tenir" et "utile". Voici à peu près à quoi mon Bullet Journal ressemble. 

C'est un cahier A5 ligné à spirales (certaines personnes ne peuvent pas supporter les spirales, moi je ne peux pas faire sans : les spirales me permettent d'avoir toujours un support assez épais pour écrire, même sur les pages de gauche en début de carnet ou les pages de droite en fin de carnet). J'ai numéroté les pages manuellement. 

J'y écris avec des stylos effaçables (pilot frixion et uni-ball fanthom). J'aime beaucoup pouvoir corriger quand c'est nécessaire en gardant un aspect correct.

Au début du carnet, très logiquement, l'index, THE place to be si on veut retrouver son information. 

Ensuite, une série de listes, que je mets à jour quand le besoin s'en fait sentir. 

D'abord, une liste de choses à faire. Dans la version "de base" du Bullet Journal on en fait une par jour, c'est beaucoup trop lourd pour moi ; j'en crée une par semaine. Chaque ligne commence par un petit carré que je coche quand la tache est effectuée, ou à côté duquel je dessine une petite flêche quand elle est reportée. 

J'ai une liste de livres/magazines que j'ai repérés, intitulée, de manière très originale, "à lire", ainsi qu'une liste de films ou séries qu'on m'a recommandés, que j'appelle, de manière tout aussi dingue, "à voir". Je rajoute une petite coche en fin de ligne, en couleur, quand j'ai trouvé et lu/vu son contenu. 

J'ai également un inventaire de livres lus, de films et séries vus, avec une répartition par mois. J'essaye d'ajouter à chaque fois quelques mots sur ce que j'en ai pensé.

Je garde une page pour les "grands" projets de l'année. 

Enfin, ma liste préférée, celle des joies ; j'essaye de me poser chaque soir pour noter au moins une chose qui m'a fait plaisir. C'est un bon exercice pour penser positif. 

Je tiens aussi depuis quelques mois une page de trackers, assez simple ; je sais que je ne tiendrais pas sur la longueur une comptabilité précise du type nombre de verres d'eau bus ou nombre de pas effectués (à vrai dire je n'en verrais pas l'intérêt), je note donc uniquement, tous les jours, si j'ai lu, regardé la télévision, fait du sport, médité, ou si je suis sortie (hors travail). Je fais une simple coche dans la case pour "oui" (et rien pour "non") ; rapide et efficace.

Les listes "en cours" sont marquées grâce à des petits signets repositionnables de différentes couleurs. 

La dernière page du carnet contenant une pochette, j'y ai glissé mes réserves de signets et un beau marque-page plastifié qui me sert de règle pour souligner les titres ou tracer les tableaux des trackers. 

Mes rendez-vous et mon planning sont toujours dans un agenda (papier), je m'y retrouve mieux comme ça. 

Le Bullet Journal a pour moi de nombreux aspects positifs. 

Établir une liste de tâches à accomplir toutes les semaines me permet d'être plus sereine (je me sens mieux avec des objectifs bien définis). Cela m'a aussi poussée à diviser les tâches un peu lourdes ("faire refaire un passeport" par exemple) en tâches plus légères ("faire des photos", "télécharger le formulaire", "demander un extrait de naissance"...). La montagne en parait plus facile à gravir, et chaque effort accompli plus gratifiant. 

Les trackers d'habitudes m'ont permis de prendre conscience desdites et de réduire, par exemple, le nombre de soirées que je passais devant la télévision.

Noter ce que j'ai envie de lire/regarder à un seul endroit (dans un carnet - avec index - que j'ai presque toujours sous la main) me permet de savoir où chercher quand je suis à la médiathèque, ou qu'on me demande ce qui me ferait plaisir pour mon anniversaire. Auparavant je n'avais jamais la bonne liste sur moi quand j'en avais besoin (je prenais des notes soit dans un carnet tellement brouillon qu'il était impossible de s'y retrouver, soit en remplissant une wish-list en ligne, pas pratique pour y accéder ensuite). 

J'aime relire les titres de livres lus pour me rappeler du plaisir que j'ai eu à les lire. 

Les listes de joies, elles, sont de vrais trésors en cas de cafard. 

Si je résume, le Bullet Journal me permet à la fois d'être plus organisée (donc plus tranquille) et, en prenant conscience de ce que j'accomplis, de m'en sentir fière ; on ne s'étonnera donc pas que je continue à l'utiliser maintenant que la grand-mode en est passée.

lundi 27 février 2017

Les singuliers, de Anne Percin

couverture du roman 'les singuliers' de Anne Percin

Hugo est parti en Bretagne pour peindre. Il est loin d'être le seul ; cet été-là, Pont-Aven pullule d'artistes qui cherchent un nouvel élan, une nouvelle manière d'exercer leur art. Là-bas, il échange des lettres avec Hazel, sa cousine, artiste elle aussi, et son meilleur ami Tobias, qui travaille la noirceur.

Hazel lutte contre les préjugés machistes qui l'empêchent d'atteindre la reconnaissance de son art. Tobias combat une maladie qui le met à terre à chaque occasion. Quant à Hugo, il bataille contre ses doutes.

Je connaissais Anne Percin pour ses romans jeunesse, je la découvre auteur pour adulte, et quel auteur... Les lettres qui constituent ce livre dessinent des portraits singuliers (vu le titre, on se serait douté que c'était le but, il est parfaitement atteint). Loin de certains romans épistolaires où tous les personnages ont la même voix, au point qu'il arrive au lecteur de ne plus savoir qui écrit la missive qu'il est en train de lire, Anne Percin donne à chacun sa manière de s'exprimer et d'être au monde. Je n'ai pas vu passer le temps entre la couverture et la dernière page ; j'en ai raté deux fois ma station de métro. Bref, si vous avez envie de lire un texte plein de souffle, de rage et de beauté, foncez sur Les singuliers.

vendredi 20 janvier 2017

Le café retrouvé

Il posa son doigt sur l'interrupteur.

La petite lumière rouge et le ronronnement de la cafetière répondirent à son geste.

Il sourit franchement.

Quand il est arrivé dans ce bureau, on y faisait le café tout les matins. Tout le monde se retrouvait vers onze heures pour boire une eau chaude, café, thé ou infusion ; on papotait, on riait. Tout n'était pas rose au boulot, loin de là, mais l'équipe se serrait les coudes.

Du temps a passé. Changement de chefs. Transition dure. Tout le monde en a pris pour son grade, individuellement. On a arrêté d'allumer la cafetière le matin, parce que le café finissait dans l'évier : chacun buvait nerveusement de l'instantané dans son coin. Il s'est dit que c'était dommage, mais que c'était comme ça, il faudrait bien faire avec. Ou plutôt sans.

Pourtant après des mois très pénibles, ses collègues ont recommencé à se parler. Doucement au début, quelques phrases le matin là où il n'y avait plus qu'un "bonjour, ça va" qui n'attendait pas de réponse. Puis, à la faveur de l'embauche d'une personne joyeuse, les fous rires sont revenus. Enfin, un jour, "pourquoi on ne se sert plus de la cafetière, au fait ?"

Il regarda le café couler. Les collègues viendraient bientôt le partager.

Texte rédigé à partir d'un thème des Impromptus Littéraires.

lundi 16 janvier 2017

La cote 400, de Sophie Divry

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Un lecteur s’est endormi dans une bibliothèque ; on a fermé sans le voir, il a passé la nuit dans la salle de lecture. Au matin il est (très petitement) secouru par une bibliothécaire qui lui offre du café mais refuse de le laisser sortir avant l’heure d’ouverture. Elle se lance dans un monologue désorienté qui part de Melvil Dewey(1) pour arriver à l’amour, en s’offrant des détours par un nombre de sujets assez ahurissant.

La cote 400 compte une petite centaine de pages, que je conseille de lire d’une seule traite, comme cette femme semble parler d’un seul souffle, sans laisser à son interlocuteur le temps de reprendre le sien. C’est un roman drôle, touchant, bizarre, une expérience de lecture assez rare ; je n’en attendais pas moins de Sophie Divry vu ses interventions aux Papous.

C’est Lizly qui m’a offert ce petit bouquin complètement barré ; merci !

Note

(1) l’inventeur de la classification qui porte son nom.

jeudi 12 janvier 2017

S'habiller

J'ai une histoire assez compliquée avec les vêtements. Je ne suis pas quelqu'un de très visuel (comprendre que si quelqu'un va mal, je le saurai à sa voix plutôt qu'à sa mine) et je ne me trouve pas très jolie, à la base. Faire des efforts pour être, sinon bien, au moins pas trop mal habillée m'a longtemps paru être une authentique perte de temps. L'idée que ses choix vestimentaires envoient un message, je la comprends intellectuellement, mais je la ressens difficilement. Autant dire que je reviens de loin.

Il y a un an à peu près, une copine m'a donné deux conseils que j'ai appliqués depuis, et auxquels j'ai ajouté un troisième. Avec tout ça, je ne dirai pas que je suis à la pointe de la mode (tant mieux, ce n'est pas mon but) mais je ne fais presque plus d'erreurs d'achats, j'ai fait du tri dans mes placards et je me sens mieux dans mes vêtements.

Son premier conseil : puisque son apparence envoie un message, on peut penser en amont au message qu'on a envie d'envoyer. Pour ça, une liste d'adjectifs marche bien pour moi : vouloir avoir l'air créative, originale, joyeuse, sérieuse... On peut aussi se faire plusieurs listes selon les occasions (boulot ou non par exemple). Une fois qu'on a trouvé les quelques mots qui nous vont bien, regarder soigneusement le vêtement (maquillage, accessoire) qu'on a envie d'acheter (ou celui qu'on a pris dans son armoire en se demandant si ça vaut la peine de le garder) et se demander si, en le portant, on aura l'air (insérer ici la liste qui convient). Si la réponse est non, il y a de grandes chances que l'acheter (ou le garder) ne serve à rien ; il va probablement finir ses jours dans le placard.

Son deuxième conseil : essayer. Celui-là se décline en deux parties. La plus évidente, ne rien acheter sans l'essayer (et faire pareil lors des tris chez soi). Pour moi, j'ai quasiment renoncé aux achats de vêtements en ligne. Elle a résolu le problème différemment : elle a une carte de paiement différé, commande des tonnes de fringues, les essaye tranquille chez elle et renvoie les trois quarts. Dans tous les cas, l'idée est toute simple, il s'agit de se dire que ce qui est beau sur un cintre ou sur un mannequin ne le sera pas forcément sur soi : question d'allure générale, de morphologie... On se fiche que la tenue soit jolie dans l'absolu si dedans on a l'air d'un sac. Donc on essaye, on se regarde en pied, et on se reporte à la liste définie au premier point. C'est aussi valable pour les accessoires : dans l'absolu j'adore les sautoirs, dans la plupart des cas ça me va comme un tutu à une vache normande. On profite aussi de l'essayage pour bouger un peu, ça ne sert à rien de porter de beaux habits si on ne se sent pas bien dedans.

La partie du conseil la moins évidente, et pourtant tout aussi essentielle, est qu'on peut aussi essayer des choses qui ne nous disent rien à première vue. J'ai été très surprise un jour en enfilant un pull à l'allure franchement mémère sur son cintre, mais dont j'aimais la couleur ; sur moi, il est fabuleux, un très bon achat.

À ces deux conseils qui ont changé ma façon de m'acheter des fringues, j'en ajouterai un troisième, faire confiance aux gens qui nous connaissent et qui nous aiment. Aller faire ses choix avec ceux qui tiennent vraiment à nous et sauront voir ce qu'on ne voit pas. Mon écharpe favorie est un cadeau d'une copine, un de mes sacs préférés (que je n'aurais jamais choisi et qui me va pourtant à la perfection, apparence comme usage) vient de ma sœur, les boucles d'oreilles que je porte le plus souvent m'ont quasiment toutes été offertes. Quand on a du mal à porter sur soi-même un regard d'amour, on peut parfois compter sur les autres. Et ça fait un bien fou.

dimanche 8 janvier 2017

L'espace d'un an, de Becky Chambers

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Vous qui fuyez les romans de science-fiction parce que vous n'y voyez que bruit et fureur autour de personnages sans épaisseur, approchez ! Venez plus près, que je vous présente de la science-fiction comme on en voit peu (et c'est bien dommage).

Ashby, un Humain, est capitaine d'un vaisseau tunnelier, le Voyageur, dont le boulot consiste en gros à ouvrir des portails dimensionnels. À son bord se trouve un équipage d'une dizaine de personnes, certains Humains, mais aussi des représentants d'autres races intelligentes, différents de corps et de coutumes. Il y a enfin l'IA du vaisseau, qui a sa propre personnalité.

Ils partent pendant un an pour une mission particulière : créer le premier portail entre les mondes "civilisés" et un nouveau système désireux de les rejoindre.

Becky Chambers, l'auteur de cette merveille de roman, a un talent fou. Elle réussit à la fois à créer des races extraterrestres cohérentes, qui ne sont pas simplement "des humains à écailles" ou "des humains à 6 pattes", à donner à chaque personnage son identité propre, et à les faire évoluer les uns par rapport aux autres dans un cadre quasiment fermé. Son histoire est pleine d'humour et de tendresse, d'amour sous toutes ses formes. Il y a bien un peu de bruit et de fureur, mais les péripéties prennent au fond peu de place, et elles permettent de voir évoluer des personnages denses, quasiment réels, dont on finit par se soucier comme si on les connaissait. Si vous avez aimé la série Firefly, il y a de fortes chances que ce soit votre genre de bouquin.

L'espace d'un an est le premier roman que j'aie lu cette année ; si la suite est à la hauteur, 2017 sera un excellent cru pour la lecture.

samedi 24 décembre 2016

Noël surprise

Cette année Noël m'a prise par suprise.

En me relisant, moi-même je trouve ça bizarre ; on bouffe du Noël dans tous les catalogues, dans toutes les rues, les journaux, les magasins depuis fin octobre. Comment est-il possible de passer à côté ?

J'avais pris la ferme résolution de ne pas penser à Noël comme "proche" avant le début de l'Avent (dans le calendrier catholique l'Avent commence quatre dimanches avant Noël, cette année c'était le 27 Novembre). Je me suis donc appliquée à penser à autre chose pendant le plus gros du mois de Novembre.

Arrive le 27 Novembre, je commence tout doucement à ouvrir mon cœur à cette joie si particulière, et le lendemain, boum, un coup de fil m'apprend une nouvelle familiale qui m'a replongée dans des souvenirs amers.

J'ai passé le mois de Décembre en apnée, avec juste assez d'allant pour préparer de petits cadeaux pour ceux qui me sont chers, pour qu'ils se sentent aimés. Je n'ai pas été à une seule messe de l'Avent.

Nous voilà au 24 Décembre. Jusqu'à hier je ne savais pas ce qu'on allait manger ce soir ni quand notre unique invité viendrait chez nous (ce soir ou demain).

Noël m'a prise par surprise, ça oui. J'ai pourtant le pressentiment que ce sera une belle fête pour nous cette année, malgré l'improvisation sur les détails ; c'est le cadeau que m'ont fait ceux qui ont montré leur joie de Noël. Et je vous souhaite à tous, que vous soyez seuls ou en compagnie, que vous prépariez Noël depuis des mois ou que vous faisiez partie de l'équipe dernière minute, de trouver cette joie-là, celle d'aimer et d'être aimé.

vendredi 25 novembre 2016

Qui veut pisser debout ?

Tout a commencé par ce billet de Kozlika qui déplorait que sans pénis on ne puisse faire pipi debout, et recensait les méthodes pour se soulager dans des toilettes publiques sans (trop) se salir.

Je n’avais à l’époque (oui, ça date tout de même de 2007) pas osé publier en commentaire ma méthode personnelle qui consiste à poser les mains de part et d’autre de la lunette, s’asseoir sur ses mains, puis faire un petit mouvement de poignet pour attraper le papier par ses deux extrémités, de manière à pouvoir s’essuyer dans que les mains ne touchent l’entrejambe.

C’est en-dessous dudit billet qu’une moins timide que moi avait donné un lien vers un site Internet révélant qu’il existait des accessoires permettant de faire pipi debout même quand on est pas naturellement équipé pour.

J’avais trouvé l’idée rigolote ; elle m’est restée dans un coin de la tête, et quand j’en ai eu vraiment marre de devoir aller me cacher loin à chaque fois qu’une envie pressante me prenait en pleine nature, ou de repartir avec les mains dans un état déplorable des toilettes des bords d’autoroutes qui, non content d’être sales, ne permettent pas toujours de se laver les mains, j’ai investi dans cet engin.

Ça s’appelle un pisse-debout, et ça change la vie des personnes qui n’ont pas de pénis.

Plus besoin de se déculotter complètement quand on est dehors. Plus besoin de se salir les cuisses ou les mains dans des toilettes douteuses. Il suffit de l’avoir sur soi, de se déshabiller juste assez pour pouvoir se le glisser en-dessous de l’urètre et zou, on peut évacuer tranquille. Deux ou trois fois chez soi pour prendre le coup (c’est qu’il n’est pas forcément facile de relâcher le périnée dans cette position après des années à ne le faire qu’assise), et voilà, bienvenue la liberté ; on gagne même du temps, ce qui peut être précieux quand il y a plus de monde que de toilettes disponibles. Elle est pas belle la vie ?

vendredi 11 novembre 2016

Le faune est venu

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Il est venu me chercher.

Cela arrive parfois, n’est-ce pas ? La tristesse alourdit nos pas, on se laisse avancer sans but, et quand on lève les yeux on se rend compte qu’on ne pouvait pas arriver ailleurs.

Ainsi, le faune et moi.

La première fois, sorti d’une BD prise au hasard chez des amis lors d’une nuit d’insomnie, il est venu m’apporter du calme et de la paix au milieu de mes angoisses.

La deuxième fois pas plus tard qu’hier, alors que je traînais dans une bibliothèque sans trouver de quoi lire, il m’a fait signe sur sa couverture. J’ai reconnu mon vieil ami.

Il l’a redit qu’on pouvait, parfois, se servir de ce qu’on ressent comme une agression pour nourrir ce qui est essentiel pour nous.

Il m’a ramenée à l’humanité de chacun, à nos liens profonds avec les autres et avec la terre qui nous porte.

Il était, il est toujours, exactement ce dont j’avais besoin alors que je doutais et que j’avais peur.

Je vous parle de lui aujourd’hui par envie de partager de la beauté, de la force et de la douceur, parce que j’ai l’impression que nous sommes nombreux à en avoir besoin.

Parce que je pense que si nous arrivons à nous détourner de la fascination que provoquent les affreux, à nous définir par ce que nous voulons, ce que nous aimons, on pourra construire quelque chose de bien.

Avec, pour chacun, un faune sur l’épaule.

dimanche 25 septembre 2016

La passe-miroir, livres 1 et 2, de Christelle Dabos : de l'imagination à revendre

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Il y a plus de six mois que quasiment tous les gens qui me recommandent parfois des livres me parlent de La passe-miroir de Christelle Dabos ; j’ai mis tout ce temps à mettre la main dessus à la bibliothèque, et je ne regrette pas d’avoir continué la chasse, ce roman de fantasy est formidable !

Faites la connaissance d’Ophélie, jeune femme à l’air doux et inoffensif, une liseuse (quelqu’un qui peut découvrir le passé des personnes qui ont touché des objets seulement en les touchant à son tour) et une passe-miroir (quelqu’un qui peut passer d’un miroir à un autre, pourvu qu’elle s’y soit déjà reflétée).

Ophélie vit tranquille dans son bout de monde jusqu’à ce qu’on la fiance de force à un homme qu’elle ne connait pas, qui vient d’une partie du monde bien plus dure que la sienne, le Pôle, et qui l’emmène avec elle passer ses fiançailles dans cet univers inconnu. Thorn - son fiancé - ne lui parle pratiquement pas, et son entourage guère plus. Elle ignore à quoi ressemble le monde qui l’entoure au Pôle et de ce dont ses habitants sont capables.

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Vous en dire plus sur l’intrigue serait vous en dire trop ; j’ajoute mon jugement sur divers éléments du livre.

L’intrigue m’a passionnée au point de me faire rater ma station de métro deux fois de suite.

L’univers est riche, foisonnant, et autant que j’aie pu le voir cohérent.

L’héroïne à elle seule vaudrait le coup d’ouvrir le livre ; elle n’est ni la perfection incarnée, ni le genre qui tape sur les nerfs, ni tellement badass qu’elle en devient caricaturale. Elle est réfléchie, tranquille, mais pas docile.

Je ne peux donc que vous conseiller d’aller vous aussi à la chasse aux Fiancés de l’hiver, et d’enchaîner sur la suite, Les disparus du Clairdelune, tout aussi formidable !

jeudi 22 septembre 2016

La terreur contagieuse

Depuis le début du mois de septembre, je ne peux plus me promener dans ma ville sans rencontrer à pratiquement tous les coins de rue des mesures "anti-terrorisme".

Ici on fait ouvrir les sacs à l'entrée des magasins.

Là des parents ne peuvent plus accompagner leurs enfants jusqu'à leur classe de maternelle.

Là encore des issues de secours sont fermées à clé, et quand on fait remarquer la dangerosité de cette mesure, on entend que c'est pour éviter le terrorisme, comme si ça mettait fin au débat.

Pour commencer, je ne suis pas du tout convaincue que ces dispositions aient une grande efficacité. Les vigiles ne regardent le plus souvent que le dessus des sacs, pas jusqu'au fond, pas toutes les poches : on n'évite donc pas forcément le passage d'une arme. Les gardes eux-mêmes ne sont pas armés, et je ne suis pas sûre qu'ils pourraient faire une grosse différence quand il s'agit d'un petit magasin (éviter un déclenchement de violence à l'intérieur d'une grande structure comme un stade reste par contre souhaitable).

Les parents n'encombrent plus les couloirs des écoles... Certes. Mais ils restent massés près des portes ; le danger évité à l'intérieur existe toujours à l'extérieur. D'autre part, imaginez les problèmes de sécurité routière quand les trottoirs devant l'école sont un peu étroits et qu'il devient impossible d'y marcher, sans même parler de passer avec une poussette.

En ce qui concerne la fermeture des issues de secours, il est évident que le danger est bien plus grand quand elles sont fermées qu'ouvertes, ne serait-ce que parce que l'incendie est bien plus probable que l'attaque terroriste. Même en cas d'attentat, les issues de secours sauvent des vies.

Enfin, et c'est pour moi très important, toutes ces décisions nourrissent un climat de terreur. Comment vivre paisiblement quand plusieurs fois par jour, chaque fois qu'on conduit son enfant à l'école, qu'on veut entrer dans un magasin, qu'on passe devant la porte arrière d'un restaurant, on nous rappelle que "nous sommes en danger" (quitte parfois à augmenter le péril réel en prétendant en réduire un autre) ? À entretenir ce sentiment, on crée des populations apeurées qui risquent fort de se jeter dans les bras du premier totalitarisme venu pourvu qu'il leur promette la sécurité... On cultive aussi de manière pernicieuse le sentiment anti-Islam déjà très présent, et qui arrange les terroristes. Chaque fois qu'on rejette quelqu'un à cause de sa couleur de peau ou de sa foi, on nourrit le discours qui prétend que les musulmans (ou perçus comme tels) sont nos ennemis. Si eux-mêmes sentent que les blancs les considèrent comme des adversaires, comment éviter que certains décident de se conduire de manière hostile ?

Je refuse de vivre dans ce climat. Je refuse qu'on me mette en danger (risque routier, risque incendie) pour "me protéger". Je refuse qu'on me désigne à demi-mot un "ennemi" qui n'est que mon voisin. Je pense que si on veut vivre en paix, il faut construire la paix ; on ne vit pas en paix quand on se terre, métaphoriquement parlant, dans un bunker.

J'ai donc pris les décisions suivantes.

Dans la mesure où c'est possible, si on me demande d'ouvrir mon sac avant d'entrer où que ce soit, je me barre, et j'envoie plus tard une lettre expliquant ma démarche.

Si je repère une issue de secours fermée, je le fais remarquer aux personnes présentes en rappelant à quel point c'est dangereux, et aussi que les issues de secours ne sont pas en option quand on reçoit du public. Là aussi, j'enverrai des lettres.

Je continue de me comporter de manière normale avec les gens que je croise dans la rue, dans le métro, sans tenir compte de leur couleur de peau et de leur port - ou non - de signes religieux. J'interviens si c'est nécessaire, et tant que ça ne l'est pas, j'entretiens autant que je le peux les harmonies dans la musique de l'univers.

Je choisis de vivre en paix.

jeudi 4 août 2016

Le vieil homme et la guerre et Les brigades fantômes de John Scalzi : les conflits futurs

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Ce n'est pas tous les jours qu'on tombe sur une série de science-fiction qui possède à la fois un univers original et des personnages intéressants. C'est pourquoi, quand on en trouve, il convient à mon avis de sauter dessus et de tout lire jusqu'à la dernière ligne (selon la disponibilité des livres et du lecteur).

Dans Le vieil homme et la guerre, John Perry a 75 ans et entre dans l'armée. Beaucoup de personnes de son âge font le même choix. S'agissant d'un roman de science-fiction, on peut penser que 75 ans est peut-être la fleur de l'âge dans cet univers ; ce n'est pas du tout le cas, les nouvelles recrues sont justement attirées par les rumeurs décrivant les techniques de rajeunissement révolutionnaires de l'armée. La réalité est encore au-delà de ces rumeurs.

Je ne vous dévoilerai pas les détails ; toujours est-il que John se retrouve avec la capacité de se battre, un ordinateur dans la tête qui lui permet de communiquer avec une intelligence centrale et avec les autres soldats, et qu'il va combattre au sein de l'armée humaine contre des extraterrestres très différents les uns des autres. John Scalzi, l'auteur, utilise son univers pour pousser à la reflexion sur l'identité, la violence et tout le reste ; ce n'est jamais lourd mais toujours intégré à une histoire tout bonnement passionnante.

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Les brigades fantômes se déroule après Le vieil homme et la guerre, on retrouve le même univers et un personnage, mais je pense qu'il peut se lire indépendamment. Le premier chapitre est une extrème réussite et le reste très bon aussi ; cette fois-ci nous suivons le soldat Jared Dirac, dont le corps a été cultivé pour permettre d'implanter les souvenirs de quelqu'un d'autre, un savant qui a trahi l'armée humaine. Là encore, moult pensées sur la notion de choix et l'identité, toujours assez bien intégré à une intrigue formidable pour que ce soit tout sauf rasant. Je vous recommande chaudement ces deux tomes (et je vais me procurer la suite aussi tôt que possible !)

vendredi 29 juillet 2016

Salade de fantasy

Sur une idée de Sacrip'Anne, voici quelques titres de fantasy qui m'ont emballée. On y va ?

Couverture du livre 'Le fléau de Chalion'

Commençons par une série classique, le cycle de Chalion, de Lois McMaster Bujold. Au début du premier tome, Le fléau de Chalion, nous suivons un homme brisé. Cazaril, ancien officier de l'armée de Chalion, a été vendu comme esclave, a passé deux ans aux galères, a été libéré par miracle et a pour projet de mendier une place de marmiton auprès d'une grande dame pour qui il fût page autrefois. Un retournement de situation lui permet d'aspirer à un poste plus élevé chez cette dame ; il devient secrétaire de la princesse, mais cette position le place au cœur d'un nœud d'intrigue et de magie qui semble assez inextricable.

Lois McMaster Bujold développe pour Chalion un monde original. La théologie notamment est complexe mais exposée simplement, il n'y a pas de tunnel d'explications. L'auteur nous offre aussi des personnages crédibles et pour certains attachants. Je le recommande à tous les amateurs du genre, en prenant toutefois la précaution d'avoir du temps devant soi... Sans quoi cette lecture risque fort d'amputer vos nuits d'une partie pourtant appréciable de vos heures de sommeil ! L'histoire est terminée à la fin du premier tome, mais on retrouve le même univers et certains personnages dans Le paladin des âmes, qui est peut-être encore plus réussi. Enfin, c'est dans le même univers que se déroule La chasse sacrée, que je vous conseillerais plutôt de laisser de côté.

Couverture du roman 'Le soldat chamane'

Robin Hobb est très connue pour sa saga L'assassin royal, qui est passionnante encore que parfois inégale. On connait moins Le soldat chamane. La série est racontée à la première personne par Nevare Burvelle, second fils d'un noble et destiné à devenir soldat (dans ce monde, chaque premier fils de noble doit prendre la suite de son père, le deuxième fils devient soldat, le troisième prêtre). Ils vivent dans un pays appelé Gernia, qui vient de conquérir un territoire important en faisant la guerre à des "sauvages", en tuant leur magie avec du fer. Le père de Nevare était lui-même soldat, anobli par le roi de de Gernia pour bons et loyaux services. Il apporte donc un soin particulier à l'éducation de son deuxième fils, souhaitant qu'il devienne un bon soldat, préparé à l'armée et à la guerre, car la conquête continue. Il décide un jour de confier Nevare à un de ces "sauvages", Dewara, pour qu'il apprenne qui est son ennemi. Nevare vit avec lui quelques jours étranges, et finit par atterrir dans un monde qui ressemble à celui des rêves, mais dans lequel ses actions ont des conséquences bien réelles. Nevare manque d'y mourir, et y laisse quelques plumes. Il tente d'oublier cette aventure quand il arrive à l'académie militaire, mais elle le poursuit dans ses rêves. Il commence à se poser des questions que les autres ne se posent pas, à se demander si leur conquête est vraiment légitime, à voir la beauté de la nature détruite par les villes gernianes, à voir aussi la magie du peuple des plaines.

Le deuxième tome est parfois longuet, mais à part ce défaut Robin Hobb réussit à créer un univers intéressant et original, et y semer une intrigue prenante.

Couverture du roman 'Le nom du vent'

Les gros lecteurs de fantasy en ont sans doute déjà entendu parler, mais je ne résiste pas à l'envie de mentionner la Chronique du tueur de rois de Patrick Rothfuss. Au début du premier tome, Le nom du vent, Kvothe se dissimule sous un faux nom et tient une auberge dans un endroit reculé. Fort heureusement pour nous, un scribe le retrouve et lui tire son histoire du nez. Kvothe vivait tranquillement une existence de saltimbanque avec des parents aimants quand un évènement violent a tout changé. Après des années difficiles, il part étudier la science des arcanes (que nous appellerions probablement magie) dans une université. Il veut apprendre, entre autres, le nom du vent.

Le point fort de la série, au-delà de la richesse de l'univers, est la complexité du personnage principal. Les personnages secondaires sont parfois un peu simples, mais Kvothe a suffisamment de facettes pour qu'on ne comprenne pas tout de suite ce qu'il va faire ou dire. Il n'est pas pour autant incohérent, et surtout, il n'est pas toujours gentil. Attention, le deuxième tome a des longueurs (c'est un défaut courant des milieu de trilogie, non ?) et le cycle n'est pas encore fini ; Patrick Rothfuss doit encore écrire le troisième volet, et il n'est pas connu pour sa rapidité.

Couverture du roman 'La voie des rois'

Autre série qui n'est pas encore finie, mais qui vaut pourtant la peine d'être lue : Les archives de Roshar de Brandon Sanderson. Dans le premier tome, nous suivons à la trace Kaladin, un soldat déchu, Shallan, une jeune fille qui cherche pour de multiples raisons la protection d'une érudite, Jasnah, et Dalinar, un chevalier vieillissant qui reçoit des visions.

La série comptera au moins cinq tomes. Les deux premiers sont vraiment prenants, avec un monde cohérent, des personnages tout sauf unidimensionnels. Je ne peux pas vous résumer l'intrigue, beaucoup trop riche ; il ne faudrait pas en conclure qu'on s'y perd, je trouve au contraire que Brandon Sanderson déploie son talent habituel pour nous faire entrer dans un univers et son système de magie sans se perdre en exposition barbante, et ne nous égare pas d'un personnage à l'autre. Notable enfin, les femmes de l'histoire sont aussi intéressantes et différentes les unes des autres que les hommes.

Couverture du roman 'Fils des brumes'

Brandon Sanderson est aussi l'auteur de Fils-des-brumes, trilogie qui, elle, est terminée. On y plonge dans un monde sinistre, où des chutes de cendres et des brouillards étranges rendent impossible la vie des paysans, les skaa. C'est un empire gouverné par un supposé dieu, un homme immortel possédant des pouvoirs immenses. Voilà le monde dans lequel Vin, gamine des rues et orpheline, essaye de survivre, jusqu'à ce qu'elle rencontre Kelsier, un type à l'air plus grand que nature, qui est bien décidé à renverser le tyran avec l'aide de son équipe de bandits.

En voilà des prémices qu'elles ne sont pas gaies, pas vrai ? Pourtant la série n'est pas aussi lugubre qu'on pourrait le croire. Il y a des moments tristes, mais aussi des gais, dans cette aventure de fantasy comme on aimerait en voir plus. Le monde et son système de magie sont complexes, pourtant on ne s'ennuie pas quand l'auteur nous les présente, puisqu'il a l'intelligence de mêler l'exposition à l'action. Il a si bien construit son histoire qu'on retrouve jusque dans le troisième tome l'explication d'éléments qu'on aurait pu croire insignifiants dans le premier.

Couverture du roman 'La belle aux bleus d'argent'

Pour ceux qui aiment le mélange des genres, la série de Glen Cook Garrett détective privé a tout pour plaire : l'action se situe dans un univers de fantasy (nains, trolls, elfes...) et le personnage principal est un détective privé qui tient plus de Nestor Burma (un de mes privés hard boiled préféré) que de Bilbo le Hobbit.

Dans le premier tome, La belle aux bleus d'argent, Garrett est engagé par le père d'un de ses anciens amis. Celui-ci vient de mourir en laissant une fortune à une femme que le père n'a jamais vue, une femme qui habite dans le Cantard. Dans cette région on se livre à une guerre acharnée pour le contrôle de l'argent, minerai utile à la magie. Le père souhaite retrouver cette femme, il veut rencontrer celle qui a réussi à charmer son fils à ce point. Garrett n'est pas enchanté par cette mission, mais il se rend compte qu'il connait déjà cette femme, il finit par accepter l'enquête.

Il y a dans ce bouquin tout ce qui manque d'après moi à La compagnie noire, une autre grande série de Glen Cook ; du punch, une intrigue vraiment intéressante. Il a aussi des éléments bien à lui, comme ce soupçon d'humour bien noir.

Couverture du roman 'Les héros meurent aussi'

Un autre mélange des genres, cette fois-ci science-fiction et fantasy, qui donne un de mes romans préférés : Les Héros meurent aussi de Matthew Woodring Stover. Dans un futur où un système de caste règne sur la planète entière, Caine est un Acteur. On le paye pour aller dans un autre monde où règne la magie et pour risquer sa vie de manière intéressante en portant un implant qui permet aux riches de son propre monde de vivre les mêmes expériences que lui, danger en moins. Son ex-épouse est Actrice elle aussi. Elle disparait dans l'autre monde, et on envoie Caine à sa rescousse. Ce serait un drôle de roman si ça se passait sans accroc ni répercussion sur leur propre monde, non ?

Les deux mondes sont bien développés, l'intrigue est palpitante, et le personnage de Caine fascinant. Il existe une suite qui n'a malheureusement jamais été traduite, mais Les héros meurent aussi se lit très bien seul.

Couverture du roman 'Coeur d'encre'

Je termine sur une série jeunesse et fantasy, Cœur d'Encre de Cornelia Funke. Au début du premier tome, on fait la connaissance de Meggie, qui vit avec son père, Mo. Tous deux adorent les livres, Mo est relieur et Meggie lit tout ce qu'elle peut. Un détail étrange entre ces deux-là : Mo ne lit jamais d'histoires à Meggie. Un jour, un type étrange du nom de Doigt-de-Poussière leur rend visite. Il est à la recherche d'un livre. Bien entendu, cette visite déclenche une série d'événements fantastiques, Meggie découvre pourquoi son père ne lit pas à haute voix et ce qu'est devenue sa mère, disparue il y a longtemps.

Vous raconter ne serait-ce que le début du deuxième tome vous en dirait trop sur la fin du premier, aussi je m'abstiens. Par contre, je peux vous conseiller de ne pas démarrer Cœur d'encre avec peu de temps devant vous, vu qu'il est très dur à laisser pour faire autre chose, et Sang d'encre et Mort d'encre sont pires ! C'est une trilogie très réussie, à la hauteur de L'histoire sans fin de Michaël Ende, c'est dire.

Voilà pour aujourd'hui. J'ai hésité à mentionner le Disque-Monde de Terry Pratchett, série de romans de fantasy dont beaucoup figurent parmi mes livres favoris, mais elle mériterait plus que quelques lignes ; j'y reviendrai donc un autre jour.

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