​Parler "en plus"

Il y a des années, j’ai lu un article dans je ne sais plus quel magazine qui conseillait, quand on voulait se souvenir de quelque chose qu’on oubliait souvent, de se parler à soi-même en termes positifs : “souviens-toi” pour remplacer “n’oublie pas”, “laisse ça” plutôt que “n’y touche pas”. L’idée était que le cerveau retient les mots les plus porteurs de sens et n’y applique pas toujours la négation qu’on avait pourtant formulée intérieurement. Cela m’a paru un truc utile, et cela m’a en effet bien servi ensuite, par exemple pour retenir les pièces à éviter la nuit quand je n’étais pas chez moi.

Avance rapide, me voilà mère. J’ai à cœur de respecter mes enfants en tant que personnes, je lis des articles et des livres sur l’éducation bienveillante, et je tombe sur une idée qui me semble familière : quand on parle à ses enfants, il est bien plus efficace et meilleur au long terme de dire ce qu’on veut plutôt que ce qu’on veut éviter.

J’avais déjà un (tout petit) peu d’entraînement, je m’y suis mise ; avec quelques étapes auxquelles je ne m’attendais pas.

Pour commencer : pour transformer en positif ma manière de parler, j’ai dû changer de manière de penser.

Je n’avais jamais remarqué auparavant à quel point je pensais en priorité à ce que je voulais éviter, et très peu souvent aux buts que je voulais atteindre. Je ne veux pas que les enfants sautent sur le canapé, OK, mais que veux-je donc ? Je veux que ceux qui s’asseyent dessus restent assis sur leurs fesses !

Dit comme ça, ça a l’air simple, pourtant j’ai dû déployer beaucoup d’énergie pour passer du très spontané “on ne saute pas sur le canapé (bordel, d’ailleurs je l’ai déjà dit vingt mille fois !)” à “sur le canapé on reste assis”. Ça marche de la même manière pour “ne mets pas de miettes partout” qui devient “mange au-dessus de la table”.

J’ai vite vu la différence ; le message passe mieux comme ça, et pas seulement pour les enfants. Avec les adultes aussi il est bien plus clair de formuler ce que l’on souhaite, et quand on y pense c’est facile à comprendre. Ce n’est pas seulement une histoire de “cerveau qui oublierait la négation” ; parler de quelque chose, même en négatif, tend à focaliser l’attention sur la chose/l’action en question. Allez donc ne pas penser à un rhinocéros rose quand on ne vous parle que de lui !

On peut par la suite passer au degré suivant ; je veux que les gens restent tranquilles quand ils sont sur le canapé, certes, mais pourquoi ? Pour le garder en bon état, pardi. Évident… Pour moi ! Mes interlocuteurs par contre, ne le comprennent pas forcément. Or, je ne sais pas vous, mais moi je préfère largement suivre une instruction quand j’en comprends les raisons.

“Je veux que le canapé reste en bon état ; quand on est dessus, on reste assis.”

Dernière étape pour huiler les rouages autant que possible : offrir une alternative. On veut que la personne reste assise, et on a expliqué pourquoi. Mais que se passe-t-il si ladite personne a envie de se remuer le popotin ?

“Je veux que le canapé reste en bon état ; quand on est dessus, on reste assis, sinon on va jouer ailleurs.”

OK, c’est plus long à dire que “On ne saute pas sur le canapé”. Cela dit on peut abréger quand on a utilisé la version complète plus tôt. Cela permet globalement de vivre dans un climat plus serein ; de plus, expliquer pourquoi et offrir une alternative laisse la porte ouverte à d’autres solutions auxquelles on n’aurait pas pensé soi-même. Enfin, et ce n’est pas le bénéfice le moindre que je trouve à cette méthode, elle permet de se rendre compte que dire “non” revient le plus souvent à dire “oui” à autre chose, de prendre conscience de ce qui compte en positif pour nous. Que demande le peuple ?

Fil des commentaires de ce billet