Un moment de grâce

Ce jour-là, je suis avec Clément et Kyllian.

Ils sont tous les deux en troisième, nos rapports sont très différents. J’ai été la prof principale de Clément en cinquième, il m’appréciait beaucoup alors et semble se le rappeler. Kyllian, lui, vient d’arriver dans mon collège, il cherche souvent les limites.

Nous lisons un poème. J’explique la différence entre la litote, qui dit le moins pour dire le plus, et l’euphémisme, qui cherche à adoucir une réalité dure.

Clément me regarde et me dit à quel point il déteste les euphémismes depuis la mort de sa mère un an plus tôt.

Je le regarde aussi, j’accueille ce qu’il me dit, et il commence à raconter, le départ à l’hôpital, la mort, sans possibilité de se revoir. C’est dur pour lui, j’ai l’impression qu’il n’a pas grand-monde à qui en parler. Peu à peu, je le sens se relâcher, soulagé d’être écouté dans sa peine si crue.

Kyllian est toujours là, à côté de nous. Presque toute mon attention passe à écouter Clément, ce qui me semble plus important. Je suis accroupie entre eux, tournée vers Clément, puis je m’assieds sur le sol pour épargner mes hanches. Kyllian se lève, va me chercher un siège, sans que je lui aie rien demandé. Je remarque alors qu’il me regarde avec une intensité nouvelle, comme s’il me voyait pour la première fois.

Quand Clément a fini, Kyllian me raconte aussi, les différences entre son ancien collège et l’actuel, ce qu’il apprécie, ce qui le perd un peu. Je l’écoute.

Je ne vais pas vous vendre un faux miracle : Kyllian n’est pas devenu un élève modèle. Pourtant, les choses ont changé entre nous. J’ai offert de l’empathie à Clément qui en avait tant besoin, elle nous a profité à tous les trois.

Fil des commentaires de ce billet