dimanche 25 septembre 2016

La passe-miroir, livres 1 et 2, de Christelle Dabos : de l'imagination à revendre

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Il y a plus de six mois que quasiment tous les gens qui me recommandent parfois des livres me parlent de La passe-miroir de Christelle Dabos ; j’ai mis tout ce temps à mettre la main dessus à la bibliothèque, et je ne regrette pas d’avoir continué la chasse, ce roman de fantasy est formidable !

Faites la connaissance d’Ophélie, jeune femme à l’air doux et inoffensif, une liseuse (quelqu’un qui peut découvrir le passé des personnes qui ont touché des objets seulement en les touchant à son tour) et une passe-miroir (quelqu’un qui peut passer d’un miroir à un autre, pourvu qu’elle s’y soit déjà reflétée).

Ophélie vit tranquille dans son bout de monde jusqu’à ce qu’on la fiance de force à un homme qu’elle ne connait pas, qui vient d’une partie du monde bien plus dure que la sienne, le Pôle, et qui l’emmène avec elle passer ses fiançailles dans cet univers inconnu. Thorn - son fiancé - ne lui parle pratiquement pas, et son entourage guère plus. Elle ignore à quoi ressemble le monde qui l’entoure au Pôle et de ce dont ses habitants sont capables.

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Vous en dire plus sur l’intrigue serait vous en dire trop ; j’ajoute mon jugement sur divers éléments du livre.

L’intrigue m’a passionnée au point de me faire rater ma station de métro deux fois de suite.

L’univers est riche, foisonnant, et autant que j’aie pu le voir cohérent.

L’héroïne à elle seule vaudrait le coup d’ouvrir le livre ; elle n’est ni la perfection incarnée, ni le genre qui tape sur les nerfs, ni tellement badass qu’elle en devient caricaturale. Elle est réfléchie, tranquille, mais pas docile.

Je ne peux donc que vous conseiller d’aller vous aussi à la chasse aux Fiancés de l’hiver, et d’enchaîner sur la suite, Les disparus du Clairdelune, tout aussi formidable !

vendredi 29 juillet 2016

Salade de fantasy

Sur une idée de Sacrip'Anne, voici quelques titres de fantasy qui m'ont emballée. On y va ?

Couverture du livre 'Le fléau de Chalion'

Commençons par une série classique, le cycle de Chalion, de Lois McMaster Bujold. Au début du premier tome, Le fléau de Chalion, nous suivons un homme brisé. Cazaril, ancien officier de l'armée de Chalion, a été vendu comme esclave, a passé deux ans aux galères, a été libéré par miracle et a pour projet de mendier une place de marmiton auprès d'une grande dame pour qui il fût page autrefois. Un retournement de situation lui permet d'aspirer à un poste plus élevé chez cette dame ; il devient secrétaire de la princesse, mais cette position le place au cœur d'un nœud d'intrigue et de magie qui semble assez inextricable.

Lois McMaster Bujold développe pour Chalion un monde original. La théologie notamment est complexe mais exposée simplement, il n'y a pas de tunnel d'explications. L'auteur nous offre aussi des personnages crédibles et pour certains attachants. Je le recommande à tous les amateurs du genre, en prenant toutefois la précaution d'avoir du temps devant soi... Sans quoi cette lecture risque fort d'amputer vos nuits d'une partie pourtant appréciable de vos heures de sommeil ! L'histoire est terminée à la fin du premier tome, mais on retrouve le même univers et certains personnages dans Le paladin des âmes, qui est peut-être encore plus réussi. Enfin, c'est dans le même univers que se déroule La chasse sacrée, que je vous conseillerais plutôt de laisser de côté.

Couverture du roman 'Le soldat chamane'

Robin Hobb est très connue pour sa saga L'assassin royal, qui est passionnante encore que parfois inégale. On connait moins Le soldat chamane. La série est racontée à la première personne par Nevare Burvelle, second fils d'un noble et destiné à devenir soldat (dans ce monde, chaque premier fils de noble doit prendre la suite de son père, le deuxième fils devient soldat, le troisième prêtre). Ils vivent dans un pays appelé Gernia, qui vient de conquérir un territoire important en faisant la guerre à des "sauvages", en tuant leur magie avec du fer. Le père de Nevare était lui-même soldat, anobli par le roi de de Gernia pour bons et loyaux services. Il apporte donc un soin particulier à l'éducation de son deuxième fils, souhaitant qu'il devienne un bon soldat, préparé à l'armée et à la guerre, car la conquête continue. Il décide un jour de confier Nevare à un de ces "sauvages", Dewara, pour qu'il apprenne qui est son ennemi. Nevare vit avec lui quelques jours étranges, et finit par atterrir dans un monde qui ressemble à celui des rêves, mais dans lequel ses actions ont des conséquences bien réelles. Nevare manque d'y mourir, et y laisse quelques plumes. Il tente d'oublier cette aventure quand il arrive à l'académie militaire, mais elle le poursuit dans ses rêves. Il commence à se poser des questions que les autres ne se posent pas, à se demander si leur conquête est vraiment légitime, à voir la beauté de la nature détruite par les villes gernianes, à voir aussi la magie du peuple des plaines.

Le deuxième tome est parfois longuet, mais à part ce défaut Robin Hobb réussit à créer un univers intéressant et original, et y semer une intrigue prenante.

Couverture du roman 'Le nom du vent'

Les gros lecteurs de fantasy en ont sans doute déjà entendu parler, mais je ne résiste pas à l'envie de mentionner la Chronique du tueur de rois de Patrick Rothfuss. Au début du premier tome, Le nom du vent, Kvothe se dissimule sous un faux nom et tient une auberge dans un endroit reculé. Fort heureusement pour nous, un scribe le retrouve et lui tire son histoire du nez. Kvothe vivait tranquillement une existence de saltimbanque avec des parents aimants quand un évènement violent a tout changé. Après des années difficiles, il part étudier la science des arcanes (que nous appellerions probablement magie) dans une université. Il veut apprendre, entre autres, le nom du vent.

Le point fort de la série, au-delà de la richesse de l'univers, est la complexité du personnage principal. Les personnages secondaires sont parfois un peu simples, mais Kvothe a suffisamment de facettes pour qu'on ne comprenne pas tout de suite ce qu'il va faire ou dire. Il n'est pas pour autant incohérent, et surtout, il n'est pas toujours gentil. Attention, le deuxième tome a des longueurs (c'est un défaut courant des milieu de trilogie, non ?) et le cycle n'est pas encore fini ; Patrick Rothfuss doit encore écrire le troisième volet, et il n'est pas connu pour sa rapidité.

Couverture du roman 'La voie des rois'

Autre série qui n'est pas encore finie, mais qui vaut pourtant la peine d'être lue : Les archives de Roshar de Brandon Sanderson. Dans le premier tome, nous suivons à la trace Kaladin, un soldat déchu, Shallan, une jeune fille qui cherche pour de multiples raisons la protection d'une érudite, Jasnah, et Dalinar, un chevalier vieillissant qui reçoit des visions.

La série comptera au moins cinq tomes. Les deux premiers sont vraiment prenants, avec un monde cohérent, des personnages tout sauf unidimensionnels. Je ne peux pas vous résumer l'intrigue, beaucoup trop riche ; il ne faudrait pas en conclure qu'on s'y perd, je trouve au contraire que Brandon Sanderson déploie son talent habituel pour nous faire entrer dans un univers et son système de magie sans se perdre en exposition barbante, et ne nous égare pas d'un personnage à l'autre. Notable enfin, les femmes de l'histoire sont aussi intéressantes et différentes les unes des autres que les hommes.

Couverture du roman 'Fils des brumes'

Brandon Sanderson est aussi l'auteur de Fils-des-brumes, trilogie qui, elle, est terminée. On y plonge dans un monde sinistre, où des chutes de cendres et des brouillards étranges rendent impossible la vie des paysans, les skaa. C'est un empire gouverné par un supposé dieu, un homme immortel possédant des pouvoirs immenses. Voilà le monde dans lequel Vin, gamine des rues et orpheline, essaye de survivre, jusqu'à ce qu'elle rencontre Kelsier, un type à l'air plus grand que nature, qui est bien décidé à renverser le tyran avec l'aide de son équipe de bandits.

En voilà des prémices qu'elles ne sont pas gaies, pas vrai ? Pourtant la série n'est pas aussi lugubre qu'on pourrait le croire. Il y a des moments tristes, mais aussi des gais, dans cette aventure de fantasy comme on aimerait en voir plus. Le monde et son système de magie sont complexes, pourtant on ne s'ennuie pas quand l'auteur nous les présente, puisqu'il a l'intelligence de mêler l'exposition à l'action. Il a si bien construit son histoire qu'on retrouve jusque dans le troisième tome l'explication d'éléments qu'on aurait pu croire insignifiants dans le premier.

Couverture du roman 'La belle aux bleus d'argent'

Pour ceux qui aiment le mélange des genres, la série de Glen Cook Garrett détective privé a tout pour plaire : l'action se situe dans un univers de fantasy (nains, trolls, elfes...) et le personnage principal est un détective privé qui tient plus de Nestor Burma (un de mes privés hard boiled préféré) que de Bilbo le Hobbit.

Dans le premier tome, La belle aux bleus d'argent, Garrett est engagé par le père d'un de ses anciens amis. Celui-ci vient de mourir en laissant une fortune à une femme que le père n'a jamais vue, une femme qui habite dans le Cantard. Dans cette région on se livre à une guerre acharnée pour le contrôle de l'argent, minerai utile à la magie. Le père souhaite retrouver cette femme, il veut rencontrer celle qui a réussi à charmer son fils à ce point. Garrett n'est pas enchanté par cette mission, mais il se rend compte qu'il connait déjà cette femme, il finit par accepter l'enquête.

Il y a dans ce bouquin tout ce qui manque d'après moi à La compagnie noire, une autre grande série de Glen Cook ; du punch, une intrigue vraiment intéressante. Il a aussi des éléments bien à lui, comme ce soupçon d'humour bien noir.

Couverture du roman 'Les héros meurent aussi'

Un autre mélange des genres, cette fois-ci science-fiction et fantasy, qui donne un de mes romans préférés : Les Héros meurent aussi de Matthew Woodring Stover. Dans un futur où un système de caste règne sur la planète entière, Caine est un Acteur. On le paye pour aller dans un autre monde où règne la magie et pour risquer sa vie de manière intéressante en portant un implant qui permet aux riches de son propre monde de vivre les mêmes expériences que lui, danger en moins. Son ex-épouse est Actrice elle aussi. Elle disparait dans l'autre monde, et on envoie Caine à sa rescousse. Ce serait un drôle de roman si ça se passait sans accroc ni répercussion sur leur propre monde, non ?

Les deux mondes sont bien développés, l'intrigue est palpitante, et le personnage de Caine fascinant. Il existe une suite qui n'a malheureusement jamais été traduite, mais Les héros meurent aussi se lit très bien seul.

Couverture du roman 'Coeur d'encre'

Je termine sur une série jeunesse et fantasy, Cœur d'Encre de Cornelia Funke. Au début du premier tome, on fait la connaissance de Meggie, qui vit avec son père, Mo. Tous deux adorent les livres, Mo est relieur et Meggie lit tout ce qu'elle peut. Un détail étrange entre ces deux-là : Mo ne lit jamais d'histoires à Meggie. Un jour, un type étrange du nom de Doigt-de-Poussière leur rend visite. Il est à la recherche d'un livre. Bien entendu, cette visite déclenche une série d'événements fantastiques, Meggie découvre pourquoi son père ne lit pas à haute voix et ce qu'est devenue sa mère, disparue il y a longtemps.

Vous raconter ne serait-ce que le début du deuxième tome vous en dirait trop sur la fin du premier, aussi je m'abstiens. Par contre, je peux vous conseiller de ne pas démarrer Cœur d'encre avec peu de temps devant vous, vu qu'il est très dur à laisser pour faire autre chose, et Sang d'encre et Mort d'encre sont pires ! C'est une trilogie très réussie, à la hauteur de L'histoire sans fin de Michaël Ende, c'est dire.

Voilà pour aujourd'hui. J'ai hésité à mentionner le Disque-Monde de Terry Pratchett, série de romans de fantasy dont beaucoup figurent parmi mes livres favoris, mais elle mériterait plus que quelques lignes ; j'y reviendrai donc un autre jour.

vendredi 22 juillet 2016

Les enchantements d'Ambremer, de Pierre Pevel : le vieux Paris sous perfusion magique

couverture du livre 'Les enchantements d'Ambremer'

Imaginez Paris au début du vingtième siècle. Ajoutez-y des magiciens, des gnomes, des arbres parlants, tous venus d'un rapprochement avec l'OutreMonde, le monde des fées.

Maintenant, dans ce décor fabuleux, plantez une voleuse aux multiples noms, un magicien ronchonnant, un chat ailé et parlant, et des mystères à gogo.

Si le résultat vous met dans le même état que moi (en gros, hurlant "IL ME FAUT CE ROMAN !") vous êtes mûr pour Les enchantements d'Ambremer de Pierre Pevel, le premier tome du Paris des merveilles.

Que puis-je vous en dire d'autre ? Ma foi, deux ou trois petites choses. L'ambiance du roman se situe quelque part entre Gaston Leroux et Maurice Leblanc, avec une sacrée dose d'humour. J'ai beaucoup aimé le narrateur, qui n’hésite pas à prendre la parole de temps à autre pour convaincre directement son lecteur. Les personnages manquent un peu de profondeur, mais l'intrigue est du genre à vous dérober vos heures de sommeil.

Qu'attendez-vous pour vous ruer dessus ?