Le surligneur

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Photo de Jazmin Quaynor

Quand j’étais jeune fille et que j’étudiais, je ne connaissais pas l’usage des surligneurs. Je gardais le silence en voyant d’autres étudiants les utiliser à tour de bras, mais intérieurement, je considérais ces feutres fluo comme des instruments du diable : de quoi défigurer l’ami d’entre les amis, un livre. Quel genre de sauvage fait ça ? Il y a un cercle de l’enfer réservé à ceux qui commettent ce genre de crime, non ? Attendez, je demande à Dante.

À l’époque il me suffisait de lire pour retenir ce que je souhaitais retenir, et je ne connaissais pas ma chance.

Avance rapide de quelques années, j’ai repris mes études. Je suis plus vieille qu’autrefois, je suis aussi bien moins disponible mentalement, famille oblige. J’éprouve donc plus de difficultés à retenir ce que je lis simplement en le lisant. C’est alors que je découvre à quoi sert le surligneur.

Est-ce que le surligneur est laid ? D’un point de vue strictement esthétique, je dirais toujours que oui. Mais d’un point de vue intellectuel, c’est un instrument bien plus riche qu’il n’y parait. Il permet de repérer ce qui est essentiel dans un texte, ce qu’on décide de retenir. Il permet de le matérialiser, non seulement par la couleur, mais aussi par le geste de la main sur le papier. Il permet à un livre banal de devenir son livre, celui qui a fait l’objet d’un traitement spécial, et il permet quand on y revient d’aller tout de suite à l’essentiel.

Par contre, entendonc-nous bien : le paragraphe précédent ne concerne que les bouquins qu’on possède. J’ai demandé à Dante, et le cercle de l’enfer dont je supputais l’existence ? Il est réservé aux vandales qui surlignent les livres de bibliothèque.

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