La division

Le salon dormait dans la pénombre. Les rideaux tôt tirés laissaient entrevoir la lumière rouge du crépuscule. La femme sur le canapé somnolait elle aussi. Sa journée de travail l'avait laissée dans un état second, nerf épuisés et corps électrisé. D'ordinaire elle trouvait le courage de bouger en entendant la concierge astiquer la barre de l'escalier, mais la concierge avait mis une affiche : elle était à l'opéra.

La torpeur envahissait son esprit, séduisante.

Son corps, lui, avait besoin de défoulement.

L'énergie qu'il dégageait semblait un bourdonnement aux oreilles de la concierge, qui n'était pas du tout à l'opéra. Elle était sorcière, et mettait son affiche à chaque fois qu'elle souhaitait pratiquer la magie en paix. Dérangée par le bruit, elle agita les mains; aussitôt le corps de la femme, laissant l'esprit se reposer sur le canapé, se leva, ouvrit la porte, descendit dans la rue et se mit à courir.

Sa foulée était puissante ; il se sentit revivre, débarrassé de l'esprit qui l'avait trop souvent forcé à l'immobilité.
Après une bonne heure de jogging, il remonta l'escalier, ouvrit la porte de l'appartement, et contempla la brume imprécise de l'esprit au repos.

Le rejoindre, ou le quitter ?

J'ai écrit ce billet sur le thème de la semaine des Impromptus Littéraires.

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