Moby Dick, de Herman Melville : 700 pages d'eau salée, et moi et moi et moi

couverture de 'Moby Dick' de Melville en collection FolioJ'ai lu beaucoup de classiques français du temps de ma folle jeunesse, mais assez peu d'anglais ou d'américains ; ainsi, bien qu'en ayant entendu parler souvent et depuis longtemps, je n'avais pas ouvert Moby Dick de Herman Melville avant la semaine dernière.

Au début du roman, un homme nommé Ishmaël veut prendre la mer pour chasser la déprime(1). Ce n'est pas la première fois qu'il emploie cette solution ; il a déjà voyagé plusieurs fois avec la marine marchande. Cette fois-ci, il décide de partir à la chasse à la baleine. Il rencontre Queequeg, qui vient d'une île lointaine et a probablement déjà mangé de la chair humaine. Les deux hommes se lient d'amitié et s'engagent ensemble sur le baleinier du capitaine Achab.

Achab vient de perdre une jambe, arrachée par un cachalot géant (âmes sensibles, il est encore temps de prendre le large sur un autre navire, celui-là n'est probablement pas fait pour vous). Je ne pense pas surprendre grand-monde, vu la notoriété de l'ouvrage, en vous apprenant que la bestiole tibiophage est surnommée Moby Dick.

Ma lecture m'a bigrement surprise. Je ne m'attendais pas à une telle richesse, une telle modernité de style dans un roman paru en 1851. J'ai parfois ri de bon cœur, et j'ai appris beaucoup de choses sur la manière dont on voyait les baleines au milieu du dix-neuvième siècle (ils n'étaient pas tout à fait dans la mouvance "sauvons les" à l'époque, évidemment, mais j'ignorais à quel point).

Je prévoyais pas mal de racisme ; il y en a, mais moins que je l'imaginais (le personnage principal, Ishmaël, devient très vite le meilleur ami d'un "sauvage", dont il respecte sans discuter la foi très différente de la sienne). Point de vue machisme on ne peut pas vraiment juger, les personnages féminins étant royalement au nombre de deux (une aubergiste et la tante d'un des propriétaires du bateau) qu'on ne voit qu'au début du roman, avant le départ en mer (les femmes n'étaient pas communément admises sur les bateaux autrement que comme passagères en ce temps-là, et un baleinier ne prend pas de passager).

Moby Dick est un livre long, foisonnant, avec lequel il faut prendre son temps si on veut le lire intégralement. Sinon on peut toujours sauter des pages (je confesse que j'ai fait l'impasse sur une description de tuerie de baleines avec leurs baleineaux à peine nés, par exemple). Il y a trop d'éditions pour que je les énumère toutes. Laissez-moi simplement vous conseiller de lire une version intégrale, les abrégées pullulent (je trouve plus agréable le cas échéant d'élire soi-même les coupes en passant des pages que confier ce choix à un autre).

Note

(1) Je cite la première page : "Quand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, quand je me surprends arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu'il est grand temps de prendre le large."

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